Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
REVUE DES DEUX MONDES.

rebellé avait été saisi par des gardiens qui, lui tenant bras et jambes, lui avaient tordu le cou jusqu’à ce que la mort s’ensuivît ; le second a eu un doigt coupé. Le 20 octobre, l’aumônier militaire Van Crombruggen et quatre témoins, soldats du 12e de ligne, ont relevé au pont de Dixmude le cadavre du lieutenant Poncin, de leur régiment : il avait été fusillé après avoir été lié au moyen d’un fil de fer enroulé une dizaine de fois autour des jambes. Le 24 août, à Louvain, ramenant un prisonnier belge, la soldatesque le pend à un réverbère devant la gare. Le 6 septembre, le cavalier Baekelandt est désarmé : on le ligote, puis on lui ouvre le ventre à coups de baïonnette. Ce fait n’est pas isolé. Le soldat Lootens a vu près de Sempst, attachés à un arbre, les cadavres de deux carabiniers dont on avait ouvert le ventre et arraché les entrailles. Et ce n’est pas le comble de l’horreur : à Tamines, un officier supérieur français a été amené près d’un arbre, lié au tronc : on a attelé un cheval à chacune de ses jambes ; au signe donné, on a fouetté les chevaux ! C’est l’écartèlement dans toute sa cruauté ! « J’ai vu, dit le témoin, tremblant encore, j’ai vu le pantalon se déchirer, le corps s’ouvrir. »

C’était un blessé prisonnier. Les prisonniers blessés n’ont pas plus que les autres droit au respect : au contraire. Leur impuissance n’est-elle pas plus grande ? N’a-t-on pas plus facilement l’occasion de faire souffrir ? Écoutons le maréchal des logis Beauduin van de Kerchove, du 5e lanciers : « Blessé de deux balles allemandes à la bataille d’Orsmael, le 20 août 1914, malgré mes blessures, les Allemands me maltraitaient. L’un d’eux m’arracha ma carabine des mains, la fit tournoyer au-dessus de ma tête et m’infligea un formidable coup sur les reins. Voyant que je vivais encore, un autre me mit en joue à deux mètres. Heureusement, la balle ne fit que m’effleurer le ventre. » Dans un bois près du Baarbeek, on trouve morts vingt-deux carabiniers cyclistes : dix-huit avaient été achevés à coups de baïonnette dans la tête ; leurs blessures faites par les balles étaient légères ; seuls les quatre hommes atteints de blessures mortelles ne portaient pas de traces de coups de baïonnettes. Ce n’est qu’un exemple d’un fait quotidiennement répété. Il y a pis : le jour de leur entrée à Namur, les Allemands s’empressèrent de faire sortir leurs compatriotes qu’on soignait à l’hôpital Bribosia. Ils mirent le feu à l’édifice, postèrent des hommes devant la porte