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10 mars : « Plus une île est près de Taïti, plus les mœurs y sont bonnes, la terre féconde et les hommes heureux. Ton langage, tes mœurs et ton bonheur sont départis dans les îles qui t’environnent. Tu es au milieu de toutes ces îles comme le soleil au milieu des astres… » Puis : « Que fait (présentement) le vieux Paowgand à Tanna ? Et Paowgand vit-il encore ?… » Et puis : « Ils ont, à Tanna, l’habitude de mon ami Fontanes : dans la joie qui suit l’admiration, ils font claquer leurs doigts. » Joubert était alors à Villeneuve-le-Roi, près de Sens ; et, depuis quelques jours, Fontanes l’avait rejoint : la gaieté de Fontanes, Joubert la réunit à ses fantaisies otahitiennes.

Du mois de juin 1788 : « Ils allèrent à Otahiti, pour y voir de plus près une étoile. Otahiti ! on nous a rapporté de toi des nouvelles qui ont charmé le monde ! Tout les favorisa pour leur rendre ce séjour délicieux. Tout, jusqu’à l’heure de leur arrivée. Il étoit nuit et, du navire, ils voyoient briller sur la côte les flambeaux qui servent aux insulaires pour la pêche. Ils entendirent le bruit des danses ou des heeva. Ils reconnurent la métropole des îles du Tropique et les mœurs du peuple ami. Alors, ces hommes lassés de leurs longues navigations livrèrent leurs cœurs au repos, leurs âmes à l’espérance. Un sommeil léger suspendit un moment leur joye. Ils ne s’éveillèrent que pour être heureux. Qui donnera maintenant à mon style des agrémens et des couleurs, pour peindre… » Et le refrain : « Otahiti, que tes filles sont belles et que tes hommes sont doux ! Tu es la merveille des tropiques, dans les mers qui sont sous nos pieds. Cette moitié de l’océan que tu partages en deux autres moitiés te doit son plus grand ornement. Le néant est à ses deux bouts ; l’âge d’or est dans tes bocages. J’aime à dormir tourné vers toi… » Et Joubert vante l’héroïsme de Cook, son ingéniosité pratique, son désintéressement, son esprit de justice. Mais il ajoute : « Quelque intrépide et bon qu’eût clé Cook, sans doute il eût obtenu moins de faveur et de renommée s’il ne nous eût pas fait connoitre Otahiti… Otahiti, que tes filles sont belles et que tes hommes sont doux… Ton sol fécond ne produit point de matières dures et précieuses. Tes montagnes, dont la perspective est si riante, ne recèlent point de métaux ni de pierreries. Tu n’as pour tous biens que ton beau ciel, et tes arbres qui portent le pain. Ta découverte néanmoins a causé plus de joyes au monde que toutes ces grandes rencontres de mondes et de continens