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« sera de retour à Londres, je le verrai pour vous d’abord et pour moi ensuite… » Le 29 novembre, Fontanes a vu enfin le « respectable Banks ; » il l’a interrogé sur Cook, sur ses voyages : mais il n’en a pas appris grand’cbose qu’il ne sût déjà. « Soyez sûr que Forster… » Ce naturaliste prussien accompagna Cook dans son deuxième voyage, et c’est lui qui a publié le récit de l’expédition… « Forster a mis dans ses récits tout ce qui peut intéresser une imagination sensible… » Et puis, en Angleterre, on ne s’occupe pas beaucoup du grand navigateur. On projette de lui élever un monument à Westminster : on ne se presse pas. « Sa renommée a moins d’éclat ici qu’en France. Soit que ce peuple singulier loue peu ce que nous louons beaucoup, soit qu’enfin Cook à ses yeux ne surpasse pas ses autres grands navigateurs, il est sûr qu’il ne partage pas notre enthousiasme… » Le 12 décembre, Fontanes écrit encore à Joubert : « Vous me demandez des détails sur Cook. J’ai recueilli là-dessus tout ce qu’il est possible de savoir. Il n’a point laissé d’enfans, mais une veuve assez obscure qui jouit d’une petite pension. Des personnes qui ont connu ce grand homme dans la vie privée disent qu’il y portait un esprit peu agréable. On m’a certifié que MM. Forster père et fils n’en avaient pas été contens. Il s’est élevé plusieurs contestations entre eux pendant le voyage, et ils se sont séparés froidement. On accuse Cook de dureté et même de jalousie. D’un autre côté, Forster fils paraît avoir mis de l’aigreur et beaucoup de vanité dans ses procédés. Il semble même, au silence que garde M. Banks sur les Forster, qu’il partage les sentimens de Cook à leur égard. Cependant tenez-vous pour dit que ces noms ne remplissent point les esprits de Londres comme ceux de Paris… » Ces renseignemens, ces potins n’étaient pas ce que Joubert demandait. Il insista ; et voici ce qu’il obtint dans une lettre du 20 janvier 1786 : « Ils (les Anglais) viennent de faire une pantomime d’Omaÿ. C’était un sujet charmant. Le génie de Cook devait les élever. Eh bien ! ils ont donné Arlequin pour domestique à Omaÿ. Ils peignent l’Otahitien débarquant à Portsmouth poursuivi par les officiers de la douane et la justice en grand panier. La scène change. Le jeune insulaire retourne dans sa patrie. On attend quelque chose. C’est un matelot qui, voulant reprendre son habit, trouve dans le panier où il l’a laissé, un crabe immense qui lui dévore toute la tête… » Fontanes affirme que cette pantomime