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immeubles et des objets mobiliers dont ils ont été dépouillés a été évaluée, pour Pergame seule, à 20 millions de francs.

Aux abords de Smyrne, Ménémen et tous les villages environnans ont été également évacués ; à Séren-Kieui la population ayant résisté, le village, où se trouvaient de nombreux réfugiés venus d’autres points, a été attaqué par la troupe et presque entièrement détruit par le feu.

Au sud de Smyrne, dans la grande presqu’île d’Erythrée, qui contient environ 35 000 Grecs, l’exode est dû en partie nu contact avec des émigrés de Macédoine, qui ont pris, par force, avec l’aide des autorités, possession du pays, et, en partie, aux violences commises par les bandes agissant de concert avec la gendarmerie. Un document, dont j’ai la photographie, est un laissez-passer, émanant d’un riche propriétaire turc, notable de la ville de Tchesmé et organisateur du mouvement dans la région : Karabina Zadé Ali ; ce document est adressé « aux chefs de bandes et aux officiers de gendarmerie des caracols. » Tchetté reïslérilé caracollar zabitlériné. Il établit nettement la coopération des irréguliers et des troupes régulières. J’ai d’ailleurs la photographie d’un gendarme, qui a pris part aux opérations dans la région de Phocée, et qui dissimulait son uniforme sous un costume de paysan turc.

Ces faits suffisent pour donner une idée de l’importance du mouvement. A aucune époque de leur histoire, pourtant si troublée, les rivages de l’Asie-Mineure n’ont subi en pleine paix, sans aucune provocation de la population, un pareil désastre.


VI. — LES CAUSES DE L’EXPULSION — SA PORTÉE.

A quelles causes attribuer ces événemens ? Quel but a poursuivi le gouvernement turc en extirpant l’élément grec, qui, dans le passé, a fait la gloire de ce beau pays, et, dans le présent, en constitue presque toute la richesse ? Pourquoi le programme a-t-il été exécuté avec cette violence, au mépris du respect le plus élémentaire des vies humaines et des propriétés ?

Le facteur essentiel de ce mouvement doit être cherché dans l’esprit profondément nationaliste, qui anime le gouvernement turc depuis la révolution de 1908. Dès le début, son programme