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V. — L’EXPULSION DES GRECS OTTOMANS D’ASIE-MINEURE. LES FAITS.

Les événemens de Phocée, dont je viens de donner le premier récit authentique et détaillé, parce que j’en ai été directement le témoin et que je m’occupe spécialement de l’histoire de la métropole de Marseille, ne doivent pas retenir l’attention d’une façon exagérée. L’écho s’en est répandu çà et là dans la presse, parce qu’ils ont eu lieu devant des témoins qui ne se sont pas tus ; il était impossible de nier l’évidence. Aussi sont-ce à peu près les seuls qui aient été mentionnés jusqu’ici. Le nom de Phocée a paru isolément dans les journaux anglais, allemands, russes, belges, français[1] ; à Londres, à la Chambre des Communes, sir E. Grey répondait le 21 juillet à une question qui lui était posée et qui visait exclusivement Phocée. Chukri Bey, dans notre voyage, me disait : « Les violences de Phocée sont une tache dans l’histoire des événemens récens. » Quand les violences commises à Ménémen, une ville de 10 000 habitans, située à proximité de Smyrne, furent connues des délégués des Puissances, les autorités turques parlèrent de « ces deux taches qu’ont été les événemens de Phocée et de Ménémen, dans l’histoire des derniers temps. » Ce sont là des restrictions, contre lesquelles on ne saurait trop protester. Si l’on rapproche toutes les « taches » qui viennent de se produire ainsi dans les affaires d’Orient, depuis le début du mois de juin, on verra qu’elles s’étendent, sur la carte du littoral de l’Asie-Mineure, depuis les confins orientaux de la mer de Marmara jusqu’à l’extrémité de la presqu’île d’Erythrée, la ville de Smyrne seule formant un îlot intact. Le sac de Phocée n’est qu’un épisode, un incident local dans un grand événement, sur lequel la presse européenne est restée muette jusqu’ici : l’expulsion progressive des Grecs sujets ottomans de l’Asie-Mineure.

La population grecque de Phocée est d’un peu plus de 7 000 habitans, celle de la nouvelle Phocée d’un peu plus de 6 500 ; dans l’ensemble du caza de Phocée, le nombre des Grecs sujets ottomans s’élève à environ 16 000, pour une population totale de

  1. Voir : G. Deschamps, Un Français à Phocée, dans Le Temps du 17 juillet 1914 ; G. Clemenceau, La politique de massacres, dans l’Homme libre du 20 juillet ; M. Hébert, Massacres d’Asie-Mineure, dans Le Peuple (Bruxelles) du 3 juillet.