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C’est un témoignage que j’ai voulu apporter ; c’est ce témoignage que je livre tel quel à l’opinion. Le temps viendra bientôt où les conséquences de cet événement pourront être tirées, où les responsabilités seront nettement établies et où le juste destin frappera les coupables, en même temps que les complices, et accordera à leurs malheureuses victimes la réparation qui leur est due.


I. — L’ALARME, LES MESURES DE PROTECTION.

Le 12 juin dernier, Djavid Bey, ministre des Finances et ministre de l’Intérieur par intérim, faisait les déclarations suivantes[1] :

« S. E. Talaat Bey est parti là-bas (en Asie-Mineure) et les dépêches que je reçois de lui prouvent que déjà l’ordre se rétablit et que l’émigration de la population grecque a cessé.

« Notez que ces désordres, même dans les pires cas, se sont traduits simplement par une panique et par le départ en masse de la population de certains villages, quelquefois dépouillée de ses bestiaux ou forcée de les vendre à vil prix, mais sans jamais qu’il y ait eu à déplorer aucune violence. »

Le 18, Saïd Halim Pacha, grand vizir et ministre des Affaires étrangères, écrivait aux ambassadeurs des Grandes Puissances à Constantinople[2] :

« Votre Excellence, qui connaît l’esprit dont est animé le gouvernement ottoman, sait, assurément, ce qu’il faut penser de ces assertions (des agences grecques). Et, d’abord, il va de soi que la population sédentaire d’Anatolie, dont le caractère est d’une tranquillité et d’une douceur proverbiales, doit être naturellement et complètement mise hors de cause.

« Qu’un malaise passager ait résulté du contact soudain avec certaines populations de l’empire de milliers d’hommes ruinés, désespérés et poussés à l’émigration par des persécutions et des excès, hélas ! indéniables, c’est un fait malheureusement fort explicable ; mais il est de notoriété publique que la sollicitude du gouvernement s’appliqua immédiatement à dissiper le malaise et s’y appliqua avec fruit.

« Son Excellence Talaat Bey, ministre de l’Intérieur, après

  1. Le Temps, 14 juin 1914.
  2. Ibid., 24 juin 1914.