Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/637

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le chancelier de l’Empire prie l’ambassadeur d’Angleterre de venir le voir et lui tient d’excellens propos. En fixant définitivement l’attitude de l’Allemagne sur la proposition anglaise, il dit ne pouvoir accepter la conférence des quatre Puissances, parce que cet « aréopage » de Puissances rivales ne lui semblait pas pratique ; mais il ajoutait que ce refus n’empêcherait point l’Allemagne de faire tout ce qu’elle pouvait pour éviter la guerre. Le chancelier croyait que le meilleur moyen d’arranger les choses était la conversation directe entre Vienne et Saint-Pétersbourg ; il ferait donc tout son possible pour que cette conversation fût reprise avec succès. Il exprima quelques craintes au sujet de la mobilisation russe, qui pouvait le mettre dans une situation difficile, « en l’empêchant de prêcher la modération à Vienne ; » enfin il conclut en affirmant avec énergie qu’ « une guerre entre les Grandes Puissances devait être évitée[1]. » Quelques heures après, à 10 heures 45 du soir, l’empereur d’Allemagne envoyait à l’empereur de Russie une dépêche amicale, rassurante et optimiste, qui se termine ainsi :

« Je me rends très bien compte des difficultés que le grand mouvement de l’opinion publique a créées à Vous et à Votre gouvernement. Pour l’amitié cordiale qui nous lie depuis si longtemps, j’employerai toute mon influence pour amener l’Autriche-Hongrie à s’entendre loyalement et par un accord satisfaisant, avec la Russie. J’espère que Vous aiderez mes efforts[2]. »

« C’est à Berlin que se trouve la clef de la situation, » avait dit, le 28, M. Sazonofl. Il avait tellement raison que cette conversation du Chancelier avec l’ambassadeur d’Angleterre et la dépêche de l’Empereur suffirent pour éclaircir, pendant un instant, l’horizon. La matinée du 29, l’ambassadeur d’Allemagne à Paris communiquait au gouvernement français, à titre officieux, que le gouvernement allemand poursuivait « ses efforts en vue d’amener1 le gouvernement autrichien a une conversation amicale[3]. » A la même heure, une conversation très cordiale avait lieu à Saint-Pétersbourg entre l’ambassadeur d’Allemagne et M. Sazonoff. Pour comprendre la gravité des événemens qui devaient se passer vers la fin de la journée, il faut lire la dépêche dans laquelle M. Sasonoff a raconté à l’Ambassade de Russie : Berlin cette conversation :

  1. Great Br., doc. n. 71.
  2. German While Book, doc. n. 29.
  3. Livre Jaune, n. 94.