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Tout s’expliqua bientôt. Un hasard heureux avait servi nos alliés et nous-mêmes en se chargeant de combler une lacune importante de l’ordre de bataille des deux marines. Au moment où la guerre éclata, il y avait aux chantiers Wickers trois monitors de 1 300 tonnes, armés chacun de 2 pièces de 152 millimètres, 2 de 120 et 4 de 47, qui, sous les noms de Solimoës, Javary et Madeïra, étaient destinés à la marine brésilienne. Ces petits bâtimens, encore que leur artillerie fût un peu faible, pouvaient rendre d’immédiats services dans les rades de Dunkerque, Nieuport et Ostende, longs couloirs que des bancs parallèles à la côte et affleurant à mer basse défendent à peu près des grosses houles. Les trois monitors furent donc réquisitionnés, armés, équipés par la marine britannique et furent baptisés Humber, Shannon et Mersey. Dès le 20 octobre, leur action, appuyée de celle de nos grands contre-torpilleurs de la Manche (ceux-ci ont des pièces de 100 millimètres) ne tarda pas à se faire sentir, d’abord sur les colonnes allemandes qui suivaient soit l’estran, soit la route côtière, puis sur les batteries de campagne qui, vers la bouche de l’Yser, couvraient d’obus les tranchées belges et les avancées de Nieuport.

Mais nos tenaces adversaires n’entendaient pas céder si vite à des engins dont la mise en jeu semblait les surprendre, eux si prévoyans, si avertis pourtant… Quelques jours après le commencement de cette lutte, on apprenait qu’ils dressaient sur le rivage, à couvert derrière la frange littorale de dunes, des batteries d’artillerie lourde. Un peu plus tard, c’étaient des canons de côte proprement dits et des pièces de marine transportées en grande hâte de Wilhelmshaven que l’on établissait vers Middelkerke et Ostende. Entre temps, et comme les Allemands avaient réussi à amener des sous-marins dans les eaux belges aussi promptement que je l’avais admis, — on s’en souvient peut-être, — dans mon étude sur Anvers, base navale[1], nous étions informés que, déjà, leurs torpilles automobiles s’étaient attaquées à la flottille alliée et aussi que des mines automatiques étaient semées à tous les débouchés des bancs de Flandre. Les sous-marins allemands débordaient dans le Pas de Calais et dans l’Est de la Manche, utilisant habilement les

  1. Voyez la Revue du 1er novembre.