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même date du 23 mars avait été assignée à ce diplomate pour la présentation de ses lettres de créance. Aussi, tandis que le duc de Saint-Aignan faisait à son illustre compatriote une pompeuse conduite, le cortège de Sainte-Croix achevait de s’organiser à l’ambassade d’Autriche. Il s’annonçait magnifique ; cardinaux et seigneurs romains avaient joint leurs équipages à ceux du prince « pour rehausser par leur nombre l’éclat de la cavalcade. » Vers les onze heures du matin, Sainte-Croix sortit de son appartement « vêtu de drap d’or, portant la Toison et un grand chapeau de plumes blanches. » Après avoir, dans l’antichambre, salué à la ronde prélats et gentilshommes venus lui présenter leurs devoirs, il monta dans un carrosse attelé de six chevaux et, à une allure majestueuse, s’achemina vers la place Saint-Pierre. Là, ayant mis pied à terre, il pénétra dans la basilique et s’en vint prier devant le tombeau du Prince des Apôtres. Ses oraisons achevées, il sortit de l’église par le grand portique et gagna l’Escalier Royal, au pied duquel se tenait Chigi, maréchal du conclave. Prenant la tête du cortège, celui-ci gravit alors les degrés à pas comptés, tandis que les Suisses, postés sur les marches, rendaient les honneurs à l’envoyé impérial. Arrivé devant la grand’porte du conclave, Chigi, de sa canne, en heurta le battant à trois reprises, comme le voulait le cérémonial. Aussitôt, dans l’embrasure du judas apparut la tête de Pico, « cardinal-gardien » de jour ; « d’un ton sévère, il demanda la cause de ce bruit insolite. » Sainte-Croix, s’avançant, déclina ses titres et tendit au prélat ses lettres de créance. Les ayant prises, Pico, après en avoir vérifié le sceau, les passa au secrétaire du Sacré Collège Levizzani, qui, se postant devant le guichet, les lut à haute voix. Tête nue, immobile, l’ambassadeur écouta. La lecture achevée, il se couvrit, fit une profonde révérence, puis, retirant de nouveau son chapeau, il débita en latin une belle harangue où il assura les cardinaux, tout à la fois du bon vouloir de l’Empereur et de la fidélité de ce prince au Saint-Siège. En quelques paroles, Pico répondit à Sainte-Croix et lui souhaita la bienvenue ; après des salutations réciproques, le judas se referma, et le diplomate, regagnant son carrosse, reprit le chemin de son palais.

Tandis que cette cérémonie se passait ainsi aux portes du Vatican, à l’intérieur du palais le cardinal de Rohan tenait, dans sa cellule, un conciliabule avec Tencin, Acquaviva et