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Le devoir patriotique commandait aux Français mobilisables, commerçans, employés, colons établis en Tunisie, de donner le bon exemple aux indigènes. Ils l’ont donné en répondant, comme leurs frères de la métropole, à l’appel du pays en un élan de volonté que nous avons tous salué comme un prélude de victoire. Il en est qui ont sollicité ainsi qu’une faveur de marcher immédiatement au combat et ceux-là seuls ont paru mécontens, que les autorités militaires ont dû retenir dans le pays pour les nécessités de sa défense. J’en sais qui continuent à demander à être envoyés aux armées pour venger nos morts. Parmi ces soldats, figurent, comme en France, des prêtres, des religieux, tels que les Salésiens et les Pères Blancs de Carthage[1], préparés, on le sait, à une vie de périls, de privations et de sacrifices. Tel est donc l’exemple que les Français ont donné aux indigènes et qui d’ailleurs n’était pas nécessaire pour inciter ceux-ci à remplir leur devoir. Tous ceux qu’atteignait l’appel se sont présentés au jour voulu en proclamant hautement leur amour pour la France qu’hier encore le bey de Tunis, dans une allocution officielle, appelait « notre mère. » Au nombre d’environ 30 000, ils ont été dirigés sur l’Algérie d’où on les a expédiés vers le champ de bataille avec les contingens algérien et marocain. A peine est-il besoin de rappeler que les tirailleurs et spahis se sont distingués par leur vaillance au feu, par leur fureur contre l’ennemi. Ils l’ont combattu et continuent à le combattre avec la fougue- quasi sauvage qui les rend si redoutables quand ils sont déchaînés.

Il convenait de faire jouir ces incomparables combattans d’un traitement largement équitable, en ce qui touche leur solde et l’allocation à leur famille. C’était d’autant plus nécessaire que, par suite d’une sécheresse qui dure depuis des mois, la Tunisie subissait, notamment dans le Sud, une crise agricole désastreuse. Privés de toute récolte, les indigènes, en dépit des mesures prises par le gouvernement pour leur venir en aide, souffraient cruellement et eussent été réduits à la famine, si ces mesures n’avaient apporté un soulagement à leur misère. La mobilisation, en leur procurant d’importans avantages matériels, conjurait les maux dont ils étaient menacés. Une prime de

  1. Cinquante Pères Blancs, profès ou novices, sont sous les drapeaux et, au moment où j’écris, on vient d’apprendre que deux d’entre eux ont été tués à l’ennemi.