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Le sort de la classe paysanne a été l’un des facteurs essentiels de l’évolution de la Russie depuis un demi-siècle. En 1861, l’empereur Alexandre II, aidé par Miloutine, entreprit la grande œuvre de l’affranchissement des serfs, à qui il distribua une partie des terres de l’Etat et aussi de la noblesse, qui fut d’ailleurs largement indemnisée. L’effet de cette réforme avait été de constituer presque partout une propriété collective, dont les parcelles n’étaient pas attribuées à titre définitif aux familles qui les cultivaient, mais donnaient lieu, à de certains intervalles, à de nouveaux partages. Il n’est pas nécessaire d’insister sur les inconvéniens d’une semblable organisation, dont le résultat inévitable était de décourager les efforts que les anciens serfs n’auraient pas manqué de faire s’ils fussent devenus propriétaires à titre définitif. Cette seconde partie de la réforme a été réalisée par le tsar Nicolas II. Une série de mesures ont été prises à cet effet. Non seulement les chefs de famille peuvent demander la transformation du mir, c’est-à-dire de la primitive commune dont le sol est indivis et dont les habitans sont solidairement responsables de l’impôt ; mais des facilités leur sont fournies par la Banque des Paysans, chargée à la fois d’acheter de nouvelles terres, de les leur revendre et de leur consentir des avances hypothécaires.

Depuis le 9-22 novembre 1906, date de la mise en vigueur de l’oukase impérial qui a transformé le régime de la propriété, jusqu’au 1er mai 1913, deux millions et demi de chefs de famille ont demandé à devenir propriétaires à titre individuel. Parallèlement s’est poursuivi un travail d’organisation agraire, qui avait pour but de réunir en un seul tenant les propriétés de communes, souvent dispersées sur des étendues considérables. Cette réunion se fait sans préjuger le mode ultérieur de jouissance des terres qui, suivant les cas, fermeront une propriété collective ou seront distribuées, à titre de propriété individuelle, entre les habitans. De 1907 à 1912, il a été vendu aux paysans 340 000 déciatines (371 000 hectares) de terres de l’État. De 1906 à la fin du premier semestre de 1913, la Banque foncière des Paysans a vendu ou cédé :


A des particuliers 2 436 000 déciatines.
A des associations et communes. 668 000
Sous forme d’échange ou de dons 137 000 —
Au total 3 241 000 déciatines.