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allemands de quitter immédiatement les mers chinoises et japonaises, ou de se laisser désarmer ; transfert, sans aucune compensation financière et sans condition, du territoire de Kia-Tcheou au gouvernement japonais qui le rendrait à la Chine. Le Kaiser pouvait prendre huit jours de réflexion. On lui donnait ses huit jours. Dans la façon dont cet ultimatum était tourné, dans ses expressions mêmes vibrait l’écho de l’ancienne injure. La riposte du Dragon au saint Georges de Berlin était d’une admirable ironie.

Le comte Rex allait plier bagages. Et les Pères du Verbe Divin allemands, et les Jésuites allemands, que feraient-ils ? Je connais assez les Japonais pour être sûr qu’ils ne seront point inquiétés et que l’on continuera de les traiter avec une courtoisie parfaite. Mais iront-ils jusqu’au bout de la besogne qu’ils avaient entreprise et dont les Japonais ne se rendaient pas compte ? J’aime nos Missionnaires. Partout où ils ont été, où ils sont, où je les ai vus, ils ont mis en valeur les plus belles qualités de notre race : l’intelligence et l’humanité. Mais les Allemands !… Je n’ai garde de leur reprocher leur amour de l’Allemagne. Je leur reproche la haine sourde dont ils poursuivent, sous le couvert de la religion, des œuvres françaises qui inspirent le respect aux indifférens et qui commandent la vénération aux âmes chrétiennes. Ce n’est pas le désir de propager la foi qui les a amenés au Japon. Ils n’y ont été conduits que pour arracher à nos Missions le fruit d’un demi-siècle de labeur. Leur seul but était d’étendre aux milieux catholiques la campagne de calomnies et de dénigrement, où s’employaient leurs collègues de la diplomatie, de la science et du commerce. Ces agens maquillés du pangermanisme manquaient de dignité. Traqués en Allemagne par la police impériale, comme les nôtres ne l’ont jamais été en France, même aux jours des plus déplorables iniquités, ce n’était point la Germanie pacifique et idéaliste qu’ils prônaient, — on leur eût pardonné d’y croire encore, — c’était le pouvoir de fer et d’or du Kaiser. Leur Kaiser ! Il fallait voir comme ils en parlaient et comme ils parlaient d’ailleurs de tout ce qui est allemand ! Ils ne disaient pas « la Science ; » ils disaient : « la Science Allemande. » Ils ne disaient pas « la Civilisation ; » ils disaient : « la Culture Allemande. » Leur Dieu était aussi « le Vieux Dieu Allemand. » La mort de l’Impératrice douairière du Japon avait mis tous les