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plus strictement appliquée que là. Dans le régime établi par les Constituans de 1831, les mesures les plus minutieuses ont été prises pour garantir les libertés publiques contre toute tentative envahissante du pouvoir exécutif. La monarchie belge est essentiellement parlementaire, et le Roi, selon l’esprit de la charte fondamentale, n’a d’autre devoir que d’exécuter en temps de paix les volontés du pays, telles que le parlement les exprime, et de commander les armées en temps de guerre. Personne, en. Belgique, il y a six mois encore, ne craignait ni n’espérait que le souverain aurait un jour cette dernière tâche à remplir.

Légalement, le Roi n’a pas d’opinion : il doit tenir la balance égale entre les partis ; il n’est que le premier fonctionnaire de la nation, le représentant de la communauté belge sous sa forme permanente, une sorte de président héréditaire de la République. En temps habituel, il suffit d’une intelligence ordinaire pour être un bon Roi des Belges, mais l’exemple des deux prédécesseurs d’Albert Ier a prouvé qu’on pouvait sans inconvénient être quelque chose de plus, car il s’en faut de beaucoup qu’ils aient été l’un et l’autre des hommes ordinaires.

Ils appartenaient à cette famille de Saxe-Cobourg-Gotha qui a fourni tant de souverains à l’Europe. C’est une race essentiellement politique, à la fois énergique et souple, merveilleusement apte à se plier aux circonstances et que, pour la branche belge comme pour la branche bulgare, le sang des d’Orléans a heureusement affinée. Elle a le goût de la diplomatie, des grandes affaires, et, placée par la destinée à la tête de petits États, elle s’ingénie à y jouer un grand rôle.

Quand on publia, il y a quelques années, la correspondance de la reine Victoria, on fut étonné d’apprendre qu’elle avait été l’influence que Léopold Ier avait eue sur la politique européenne. Dans son royaume, il n’a laissé le souvenir que d’un prince prudent et sage. Dès sa jeunesse, il avait été mis à une rude école. Dépossédé de ses États héréditaires par la conquête napoléonienne, errant, pendant de nombreuses années, d’armées en armées et de Cour en Cour, marié d’abord à. la princesse Charlotte, héritière du trône d’Angleterre, qui mourut avant de recueillir ce magnifique héritage, remarié lors de son accession au trône de Belgique à Marie-Louise d’Orléans, fille de Louis-Philippe, c’était un prince vraiment européen, un cosmopolite de grande race comme le commencement du XIXe siècle en