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oubliées, du capitaine Pommer. Force m’a été de reconnaître, par exemple, que ce dernier ne nous avait point trompés en affirmant que l’on chercherait vainement, dans l’armée allemande, la moindre trace de cette confiance réciproque des soldats et des chefs, qui doit être, à coup sûr, l’un des élémens principaux d’une vie militaire homogène et féconde. Ou bien encore je me rappelais, — au contact des mille petits documens qui de jour en jour nous arrivaient du « front, » — les pages où M. Hans Pommer nous décrivait les progrès désastreux d’une discipline fatalement destinée à étouffer, chez le soldat, toute velléité d’initiative individuelle, et, par suite, à le rendre incapable du moindre effort utile, dès qu’il n’a plus derrière soi l’impérieuse poussée de ses chefs. Sans compter la tentation, chaque jour plus vive pour moi, de partager aussi l’opinion du capitaine Pommer touchant la « décadence » de l’armée allemande prise dans son ensemble, l’infériorité de son état présent en comparaison de son efficacité a guerrière » d’il y a quarante-quatre ans. J’ignore ce que peut être là-dessus l’avis des spécialistes, et naturellement je suis prêt à admettre que les énormes progrès réalisés dans nos armées françaises ont contribué plus que tout le reste à établir la différence que nous apercevons entre les succès de l’Allemagne en 1870 et ceux de la campagne de 1914 : mais, avec cela, comment assister à l’accentuation quotidienne de cette différence sans supposer, tout au moins, qu’il manque aujourd’hui aux troupes allemandes quelque chose d’essentiel et d’indispensable, qui pendant la guerre précédente leur a permis de remporter sur nous une série de victoires aussi décisives ?


De telle manière que, par degrés, j’ai recommencé à prendre en considération les griefs indignés du capitaine prussien ; et voici qu’à l’appui de ces griefs un témoignage nouveau vient de m’être révélé, — un témoignage qui, pour émaner d’une source anglaise, n’en offre pas moins les plus hautes garanties d’impartialité ! Son auteur est un officier anglais qui doit aux hasards de sa vie d’avoir, à deux reprises, activement servi dans l’armée allemande. Élevé en Allemagne, dans une de ces Écoles de Cadets où se forment les futurs officiers, il était sur le point d’être nommé lieutenant, lorsque la nouvelle d’une campagne anglaise en Birmanie lui avait inspiré l’irrésistible désir d’aller collaborer là-bas aux efforts et aux succès de ses compatriotes ; après quoi, il était encore resté quelque temps aux Indes, et puis avait sollicité de l’empereur Guillaume la faveur de rentrer dans l’armée allemande. Aujourd’hui, l’ex-officier de cavalerie