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franco-anglaise. Une difficulté qu’il n’avait pas prévue se présenta. Quelques patriotes écossais, fort indiscrètement nous dit-il, firent courir à la réunion le risque de dégénérer en une manifestation anti-anglaise. Une gravure de M. John Duncan, représentant Jeanne d’Arc entourée de ses archers d’Ecosse, et offerte à leurs amis de France par les membres du Comité écossais, éveilla une alarme que M. Barclay s’empressa de calmer en composant « quelques vers d’atténuation » qu’il fit imprimer en toute hâte et glissa dans l’enveloppe avec l’épreuve. Nous regrettons qu’il n’ait pas jugé à propos de préciser un peu le caractère de cette alarme et de nous faire connaître la strophe diplomatique destinée à la calmer. Mais il écrit à ce propos contre le particularisme écossais une page fort curieuse, qui ne nous parait pas étrangère à l’intelligence de ses desseins :

« Il y a des Écossais, dit-il, dont l’orgueil se révolte d’être comptés pour de purs Anglais. Ils perdent bien vite des idées pareilles quand ils ont vécu quelque temps sur le continent et en particulier dans l’Europe orientale. L’expression moderne de « Grande-Bretagne » reste sans force et n’évoque rien des grands souvenirs historiques. Le nom de l’Ecosse ne représente guère à l’étranger ignorant que des hommes en kilts, des lacs, des bruyères, des collines et Walter Scott, mais aucune grande entité politique. C’est l’Angleterre que le monde voit se dresser devant lui. Le roi, dont le nom a tant de prestige, n’est pas le roi du Royaume-Uni, ce n’est pas le roi de Grande-Bretagne et d’Irlande, ni le souverain de l’Empire britannique : c’est le « Roi d’Angleterre, » — le plus grand titre historique du monde. Et il en est de même du nom de l’Angleterre en général. Écossais et Irlandais peuvent être fiers d’être appelés Anglais : qu’ils s’attachent à ce nom, si fiers qu’ils puissent être de leur titre secondaire. »

De ce point de vue, le fondateur de la Société franco-écossaise ne pouvait la considérer et ne la considérait, en effet, que comme un moyen de rapprochement franco-anglais. Il ne nous dissimule pas qu’à cet égard il se trouva quelque peu déçu. Non seulement il échoua dans son projet d’acheter le Collège des Écossais, mais encore, pour le malheur de ses « desseins cachés, » la Société ne tarda pas à faire œuvre d’éducation plus que de politique, et si elle rendit par ce moyen-là, si elle rend encore de beaux services à la cause de l’entente, elle n’en a