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deux lettres singulières de mon mari. Dans l’une il me dit t’avoir envoyé un officier polonais pour le mettre à ta disposition !… Bonne intention, exécutée d’une manière absurde. — Toujours aussi extravagant. Aux deux combats de l’armée de Paladines, il a perdu la moitié de son bataillon, et recommence à le former. Quel mélange que cet homme[1] ! »

Et George Sand, de son côté, clôt l’incident par sa lettre du 31 décembre à Solange, en lui envoyant ses vœux ; quels vœux en un pareil temps !

« Ne t’inquiète pas. S’il faut s’en aller, nous nous en irons à temps. Comme on ne peut voyager qu’à petites journées, espérons que la neige ne nous bloquera pas. Jusqu’à présent, nous ne sommes pas trop menacés, et la disette ne se fait pas encore sentir.

« J’ai reçu deux lettres de Clésinger, datées de Bordeaux, où il me disait : Solange m’offre l’hospitalité, je pars pour Cannes. Je n’ai pas compris, non plus que la visite d’un ami fidèle qui m’apportait la seconde lettre. Je ne l’ai pas vu ; j’étais absente -pour deux jours. Je ne comprends pas davantage cette visite d’un étranger, venant m’offrir des services que je n’ai pas demandés.

« Je suis contente de te savoir loin de tous ces dangers. Je ne prévois pas l’issue. On ne sait rien au juste, tant les nouvelles sont contradictoires, et les propos encore plus fantastiques. Ne te tourmente pas, nous nous portons bien, et nous ne serons pas imprudens pour le plaisir de l’être.

« Nous t’embrassons tous pour la bonne année, qui ne s’annonce pas bien jolie ! »

Nohant, 31 décembre.


Là-dessus, elle reprend le fil de ses travaux et de ses bonnes œuvres ignorées. Surtout, elle prêche à tous le réconfort. En janvier 1871, elle relève le moral de Poney, le poète ouvrier, lequel, à Toulon, se désespère en chants patriotiques. Elle suit le siège de Paris d’un œil admiratif, attendri : « Pauvre Paris ! c’était la moitié de mon âme ! » Cette héroïque population parisienne, sublime de gaité et d’endurance, allait au théâtre sous une grêle d’obus : justement, on jouait alors François le

  1. Inédite.