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trouvé de la fièvre et l’a mis au lit. Il s’agit de cette rougeole d’Ancône, que les événemens n’ont pas permis de guérir, mais seulement d’interrompre, et qui doit s’achever à Paris. Le difficile sera d’obtenir l’obéissance du malade et de le disputer à tout ce qui l’attire hors de la maison. Pour cette fois, cependant, il se tient coi sous son édredon, ce qui me permet, tout en attendant ma bonne Reine, d’en finir avec l’arriéré de mon journal.


Mercredi, 27 avril.

La Reine est revenue ravie de son entrevue avec Louis-Philippe ; elle ne pouvait assez le répéter au Prince à son retour, et, comme elle s’étendait sur le sujet avec grand détail, je crois pouvoir garantir mot pour mot ce que j’en écris ici.

Elle a parlé d’abord de sa présence impromptue à Paris et de la loi d’exil qu’elle a violée. Le Roi a dit qu’il connaissait par expérience toutes les tristesses de l’exil. Il a passé plus de vingt années hors de France. Obligé de donner des leçons pour vivre, il fut en 1793 professeur de collège dans cette petite ville de Reichenau, dont nous apercevons les toits de nos fenêtres d’Arenenberg. La loi du 2 septembre dernier, a-t-il ajouté, n’est qu’une réédition de celle de 1815. Jamais il n’aurait admis que son gouvernement prît l’initiative d’une mesure hostile aux Bonaparte, mais il a dû se résigner à faire voter de nouveau le paragraphe du texte de 1815 relatif à cette famille ; l’opinion venait de lui imposer le rappel des conventionnels, visés par un paragraphe de la loi ; il lui était impossible d’étendre la même disposition aux Bonaparte, parce que le sort de ceux-ci avait été réglé d’accord avec les Puissances et que le principe fondamental du nouveau gouvernement est de ne point toucher aux traités de 1815.

La Reine a répondu que la seule personne de la famille à l’endroit de qui ces traités puissent encore avoir un sens est le Duc de Reichstadt ; qu’il est superflu que la France ferme sa porte à ce prince, puisque l’Autriche n’ouvre pas celle derrière laquelle elle le retient prisonnier ; que les autres Bonaparte ne comptent pas, et elle, moins que personne ; qu’elle a donc le droit de prendre à la lettre les récentes paroles du Roi qui, parlant à la grande-duchesse de Bade, lui a dit que l’exil de la reine Hortense prendrait bientôt fin.

Le roi, glissant sur ce sujet, a expliqué qu’il était