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fait un peu peine à moi dont le rêve est de le voir un jour habillé en général français.

La Reine, qui me sait en butte aux agaceries des jeunes gens, me donne congé pour tout aujourd’hui, qui est notre dernier jour d’Ancône. J’en profite pour faire une longue et savante promenade en compagnie de M. Bendoni.

Devant l’église de Saint-Cyriaque, un chanoine nous pose mille questions indiscrètes sur le départ du Prince. Papiste déterminé, il se loue de voir le pouvoir du Saint-Père ressusciter dans Ancône « avec la Pâque, » et me fait ainsi, sans y songer, un reproche sur la manière païenne dont je viens de passer toute cette Semaine Sainte. Ancônitain fier de sa patrie, son orgueil est de nous faire admirer à nos pieds la ville en amphithéâtre, le port où s’ébattent les deux navires autrichiens heureux d’avoir repris ce pauvre Zucchi, le môle, les batteries et le phare. A gauche de ce merveilleux tableau, l’ourlet blanc du rivage prolonge la courbe qui trace le contour de la ville ; il s’en va à perte de vue vers le château de Fiumegino et les murs de Sinigaglia ; il égare la pensée vers ces lointains de la mer, au-delà desquels il y a l’Orient, son mystère, ses richesses, enfin tous les horizons sur lesquels Ancône ouvre sa porte et qui ont fait d’elle à toutes les époques de l’histoire un point politique si intéressant.

La digue principale du port présente un développement magnifique. Du pied de l’arc de Trajan, elle s’étend jusqu’à une roche qui porte un phare ; nous la longeons, mais n’osons nous approcher d’un petit ouvrage militaire où sont des soldats autrichiens. On aperçoit à petite distance un bâtiment qui s’apprête à partir. Il est tout chargé de Romagnols, hommes et femmes, et fait voile pour Ravenne. Parmi eux, plusieurs ont reçu les secours de la Reine. Reconnaissant M. Rendoni, ces pauvres gens lui font de la main des signes d’amitié.


Pérouse, lundi de Pâques. 4 avril.

La Reine avait fixé notre départ au dimanche.’(avril, jour de Pâques, tant pour répondre au désir du Prince, qui bouillait d’être enfermé, que pour se donner le moyen de quitter Ancône de bonne heure, sous le prétexte d’aller entendre la messe à Lorette.

Nous n’avions rien à craindre des soldats installés dans