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richesses en manganèse, intactes, dédaignées, parce qu’il est de qualité inférieure ; mais il y a des méthodes connues de publication qui le rendent égal au manganèse importé du dehors. » Au Transvaal, le cyanure venait presque exclusivement de l’Allemagne ; d’après les statistiques officielles, c’est une fourniture d’environ 12 millions de francs pour 5 millions et demi de kilos qui va revenir aux usines américaines. Pour le zinc, disent encore les Etats-Unis, nous souffrions de la surproduction ; mais, comme la Prusse Rhénane qui en vendait quelques centaines de mille tonnes est fermée, nous serons à même d’exporter dans les pays Sud-Amérique du zinc et des produits d’acier galvanisé. Quant au charbon, les Etats-Unis ne songent pas seulement à le vendre à l’état naturel : « Nous dépendions de l’Allemagne pour les produits chimiques dérivés du charbon, bien que nous ayons en quantité illimitée du goudron, d’où dépendent beaucoup d’industries chimiques. Nous pouvons, si la guerre continue un certain temps, faire nous-mêmes des teintures et des couleurs d’aniline aussi bonnes que celles made in Germany. »

L’industrie chimique et pharmaceutique, où l’Allemagne avait conquis un monopole de fait, était l’une des colonnes de son exportation ; le monde entier était son tributaire. Elle lui expédiait pour plus d’un milliard de francs, chaque année, de produits de cette catégorie, parmi lesquels l’aniline seule et ses similaires entraient pour 160 millions. ! Je ne prétends pas que des usines aussi fortement organisées, au point de vue technique et munies d’un personnel expérimenté, puissent être aisément écartées ; mais chacun sait quelle audace caractérise les Américains. A l’abri d’une barrière temporaire plus haute et plus solide que tous les tarifs douaniers, ils sont parfaitement capables de se lancer dans cette voie nouvelle, où les acheteurs sont tout prêts à payer un bon prix ce dont ils ont absolument besoin.

Il serait fastidieux de multiplier les exemples pour chaque produit et pour chaque peuple : ce que feront les Américains, les Français, les Anglais, les Italiens et d’autres le feront aussi, chacun suivant les richesses naturelles de son sol, sa situation géographique et l’adaptation de sa main-d’œuvre à telle ou telle nature de marchandises, pour profiter de la disparition soudaine des marchandises allemandes.

Et non seulement ces marchandises disparaissent du marché extérieur, parce qu’elles ne peuvent pas sortir, mais beaucoup