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marchés allemands, les États-Unis tiennent naturellement la tête : pour eux, c’est tout d’abord une excellente occasion de s’affranchir du dehors. « Comme les affaires suivent naturellement la loi du moindre effort, disait il y a quelques jours dans une note officielle le secrétaire d’État de l’Intérieur, il avait semblé plus aisé et peut-être moins cher d’importer des produits minéraux et des matières premières, d’où dépendent de grandes industries, que de développer nos propres ressources de même nature. Quand nos manufacturiers, forcés par la suspension du commerce d’entreprendre avec énergie la conquête de nos propres fonds, auront trouvé à remplacer les produits étrangers, ils ne retourneront plus sous leur dépendance et les complications extérieures ne nous toucheront plus. En fait d’engrais artificiels dont nous usons de plus en plus, continue le ministre américain, nous dépendions presque entièrement, comme le reste du monde, des mines d’Allemagne pour la fourniture des sels de potasse que la guerre nous supprime. Mais nous avons de larges dépôts de potasse dans la réserve de Californie, qui peut être immédiatement ouverte et exploitée, dès que le bill présentement soumis au Congrès pour cet objet sera voté. »

La potasse, en effet, sous ses formes multiples de sels bruts, chlorures et sulfates, est pour l’Allemagne une affaire de 250 millions de francs par an. le Reichstag s’en est fort occupé durant ces dernières années ; les imaginations étaient hantées, à Berlin, par la crainte de voir les étrangers mettre la main sur une portion importante des gisemens et exporter à leur propre profit la potasse allemande. Une loi de 1910, faite pour protéger l’industrie indigène et fort imprégnée de socialisme d’Etat, enrégimenta les producteurs dans un syndicat investi du monopole. La spéculation s’empara de l’affaire ; il y eut une « fièvre de la potasse » et l’on rechercha partout les débouchés : 10 millions de francs ont été déboursés en 1913 en frais de propagande, pour assurer le placement de tous les sels extraits ; en effet, la moitié de la potasse allemande était exportée et, de cette exportation, les États-Unis recevaient les doux tiers : 12 millions de quintaux. On voit de quelle importance sera leur défection sur ce terrain où, de cliens, ils ne tarderont pas à devenir rivaux.

Leurs ambitions d’ailleurs se font jour dans des domaines beaucoup plus vastes : « Un large tonnage de ferro-manganèse nous venait d’Allemagne, disent-ils, or nous avons de grandes