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locomotives pour l’Espagne ou la France, machines à vapeur et à explosion ou moteurs à gaz de hauts fourneaux pour la Russie et le Japon, grues ou dragues pour l’Italie et l’Argentine, machines à coudre, à brasser, à imprimer, à travailler le métal. le papier, le ciment, pour tout l’univers. Tout cela rapportait peu ; conséquence du système allemand qui, pour enlever les affaires et forcer la production, consentait à travailler presque sans bénéfice… en vue de créer des débouchés pour l’avenir.

Or voici que, par la guerre et le blocus, ces projets s’évanouissent, ces beaux plans deviennent irréalisables : brusquement séparés de leurs fournisseurs germaniques, les cliens, proches ou lointains, sont recueillis par des concurrens qui surgissent, empressés à profiter de la liberté des mers. Parfois ces cliens s’outillent eux-mêmes et s’organisent, sous le coup de la nécessité, pour se fournir ce qu’ils achetaient précédemment à l’Allemagne. de pareils marchés, une fois fermés ou détournés, ne se rouvrent guère.

Le Board of Trade, ministère du Commerce anglais, publie une liste des articles de fer, machinerie ou parties de machine que la France importait d’Allemagne et pourrait tirer de l’Angleterre : il chiffre les meubles et articles de bois, la vaisselle, faïence ou porcelaine de table, que l’Allemagne pour 90 millions par an et l’Autriche pour 20 millions exportaient annuellement ; il en donne le détail par contrées et montre par exemple de combien la part de l’Angleterre dans la poterie à bon marché expédiée en Amérique pourrait être augmentée.

Les journaux du Royaume-Uni enregistrent avec raison ces conquêtes commerciales comme des victoires : « Dans le Lancashire et le Cheshire, disent-ils, l’industrie des produits chimiques ne suffit plus aux commandes ; ils sont « inondés d’ordres dus à l’interruption des relations avec l’Allemagne. » L’industrie textile a reçu chez eux la même impulsion. Dans certaines branches, notamment celle des étoffes teintes où le besoin de marchandises est urgent, les prix ont monté de 50, 75 et même 100 pour 100 ; déjà se créent de nouvelles manufactures pour les vêtemens. Il en va de même sur beaucoup d’autres terrains : telle fabrique de vaisselle d’étain, à Swansea, a obtenu un ordre qui allait en Allemagne et qui suffit à lui donner du travail pour douze mois.

Parmi les concurrens habiles à profiter de la fermeture des