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C’est même pour cela qu’en ce qui concerne l’Allemagne, la statistique intérieure des céréales ne signifie pas grand’chose dans les circonstances présentes. Comme elles se trouvent réparties sur son territoire à l’inverse de la population, il faudrait savoir dans quelle mesure elles circuleront librement, des fermes de Prusse et de Silésie qui les produisent aux usines de Westphalie qui les consomment. Toute cette région de l’Ouest, où tel district de 1 500 kilomètres carrés doit nourrir 10 millions d’habitans, attend son pain de l’Est ou d’outre-mer. Elle n’est pas la seule ; dans le grand-duché de Bade, Mannheim est le grand port par lequel le froment est introduit dans l’Allemagne du Sud. L’entrée des blés étrangers dans les bassins de cette grande ville est d’environ 6 millions de quintaux par an ; transformés en farines, ils vont approvisionner le Wurtemberg et la Bavière.

La question de circulation et de trafic des blés à l’intérieur domine celle de la production. Dans une Allemagne susceptible d’être envahie à la fois à l’Est et à l’Ouest, la provision de grains aurait beau être suffisante en théorie qu’elle peut cesser bien vite de l’être en pratique ; les difficultés de transport aussi bien par voie ferrée que fluviale, les réquisitions des armées, la crainte de manquer qui poussera les particuliers et les marchands à garder ou à faire des provisions extraordinaires, tout contribuera à créer la cherté, puis la disette dans les grands centres, surtout pour les classes pauvres, qui en seront vite réduites au pain de pommes de terre et d’avoine.

On en peut dire autant de plusieurs autres alimens ; les œufs, dont l’Allemagne importe 170 millions de kilos, pourront lui être partiellement fournis par l’Autriche, qui en exporte annuellement pour 150 millions de francs, et peut-être aussi les oies, qui figurent aux entrées allemandes pour 9 millions de têtes ; mais le café, dont elle achète pour 260 millions, le cacao, le beurre, le fromage et le saindoux, — ensemble 335 millions, — les harengs salés, les légumes secs ne seront pas facilement remplacés ; de même le riz, l’orge et le maïs, chapitre de 850 millions de francs.

La viande est abondante sur le marché intérieur, bien qu’elle eût assez enchéri ces dernières années pour que le gouvernement, sous la poussée de l’opinion publique, ait non seulement permis l’importation de viandes fraîches, mais même accordé des diminutions de droits d’entrée aux communes