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à la même date il représentait à peine 50 pour 100 du commerce anglais, aujourd’hui 85 pour 100. »

A l’heure actuelle, les trois quarts de ce commerce extérieur, — 20 milliards de francs sur 20, — sont arrêtés. L’Allemagne est bloquée. Ce que Napoléon tentait sans trop de succès, il y a un siècle, contre l’Angleterre, l’Allemagne a réussi à l’organiser contre elle-même, en provoquant une de ces coalitions dont Bismarck, vieilli, recommandait d’éviter le danger redoutable dans l’avenir. Ce blocus, à la fois continental et maritime, n’est pas complet, puisque les frontières demeurent ouvertes du côté de la Suisse, de l’Autriche, du Danemark et des Pays Bas ; mais, si l’on examine la nature des marchandises que l’Allemagne peut recevoir de l’intérieur, on voit qu’elles ne sauraient remplacer les arrivages par mer qui lui font défaut.

Quant à la Hollande et au Danemark, par où transitaient, en temps normal, une partie des denrées ou des matières premières destinées à l’Allemagne, nos ennemis ne pouvaient sérieusement espérer que nous leur laisserions l’agréable liberté de ces communications avec le dehors : par la Hollande passaient annuellement pour plus de 5 milliards de francs de marchandises à destination ou en provenance de l’Allemagne, comme on peut le constater par le détail du commerce néerlandais, où les grains et farines, par exemple, figurent pour 1 milliard de francs à l’entrée par mer et pour 750 millions à la sortie par terre. Et de même que l’Allemagne introduisait par la Hollande pour 220 millions de cuivre brut, ou pour 450 millions d’écorce de quinquina, — chacun sait que les usines allemandes avaient la spécialité et presque le monopole de la fabrication de la quinine, — de même l’Allemagne exportait par les ports de Rotterdam pour quelque 600 millions de fer ou d’acier[1].

Mais, sans parler des mines semées par les propres bateaux allemands dans la mer du Nord, la navigation dans ces parages serait bien peu sûre pour des pavillons neutres qui se hasarderaient à transporter de la « contrebande de guerre. » L’on sait que la liste des objets qui constituent ce que l’on appelle

  1. Ces entrées indirectes étaient nombreuses ; d’après les tableaux du commerce argentin, il était exporté à destination de l’Allemagne pour 280 millions de francs (54 millions pesos or) ; tandis que, d’après les tableaux du commerce allemand, cette exportation était de 556 millions de francs. La différence vient de ce qu’à Buenos-Aires on ne portait au compte de l’Allemagne que ce qui lui était expédié directement.