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l’importance et le danger sont suffisamment démontrés, je crois, par ce seul fait, que, dès le début de la présente guerre, le titre de Sokol fut un motif légal d’arrestation et de fusillade.

Mais, — encore une fois, — le livre de M. Steed est un tableau historique de la monarchie habsbourgeoise en 1908-1912, et non pas en 1915. En 1908, l’instinct unitaire menait encore les peuples des Habsbourg, et la devise de François-Joseph, Viribus unitis (l’Union pour la Force), était encore acceptée par la grande majorité de ses sujets comme le résumé d’une sagesse acquise par huit ou neuf siècles d’une dure expérience.

Viribus unitis : pour vivre heureux et tranquilles, les peuples danubiens croyaient encore avoir besoin de vivre unis sous la houlette impériale, de grouper toutes leurs forces à la défense de cette unité et de répondre sans discuter au « cri de guerre » du Maître, « même si ce cri était allemand, »


… ob deutsch auch der Feldherm ruf.


En 1911 encore, quand la monarchie lançait dans l’Adriatique un nouveau cuirassé, Viribus unitis était le nom que recevait ce nouveau serviteur.

L’Autriche de 1908-1912 semblait « se retrouver, » et pour longtemps encore ; « ses aspirations suivaient une voie parallèle à celle de la dynastie, et le dessein de la dynastie coïncidait avec le dessein populaire. » Pour maintenir cette union, pour se garder la collaboration presque unanime de ses peuples, il semblait que la dynastie n’eût besoin que de cette « sagacité moyenne, » qui ne lui avait jamais fait défaut depuis des siècles, ou, plutôt, de cet instinct de domination que, de générations en générations, se transmettait la famille des Habsbourg, comme l’ « instinct unitaire » se transmettait en ses chrétientés.

Instinct infaillible qui, depuis des siècles, se traduisait par une règle de conduite aussi simple qu’efficace : pour maintenir sa domination sur le troupeau un peu incohérent de ses sujets, le Habsbourg n’avait eu qu’à se souvenir du précepte antique Divide et Impera. L’empire avait pour devise Viribus unitis. La dynastie, dit M. Steed, aurait pu « graver sur ses monnaies Divide et Impera, et entourer l’effigie du souverain