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Ils procèdent ici par des négations. Il n’est pas vrai, disent-ils, que l’Allemagne ait provoqué la guerre, qu’elle ait violé criminellement la neutralité de la Belgique, que ses soldats aient porté atteinte à la vie ou aux biens d’un seul citoyen belge sans y avoir été forcé par la dure nécessité de la défense légitime, que ses troupes aient brutalement détruit Louvain, que ses armées aient violé les règles du droit des gens et commis des actes d’indiscipline ou de cruauté. Nous demanderons aux représentans de la science et de l’art allemands de quel droit ils donnent un démenti à des faits qui sont de notoriété publique et que mille témoins ont constatés. Ont-ils fait une enquête personnelle ? Se sont-ils donné la peine d’aller sur place interroger les ruines encore fumantes ? Ont-ils posé la moindre question aux blessés, aux mourans, aux survivans? Point du tout. Ils ont continué à lire de vieux livres dans leur cabinet de travail, à observer leurs cornues dans leurs laboratoires, à écrire des romans ou des pièces de théâtre, à jeter des notes sur le papier : pour ce qui est de la guerre, des circonstances dans lesquelles elle a été déclarée et des conditions dans lesquelles elle a été faite, ils ne les connaissent que par l’agence Wolff et les communiqués officiels. Aussi nient-ils sans vergogne. Cela ne peut pas, ne doit pas être vrai, disent-ils, donc cela n’est pas vrai! Le croient-ils? Qui sait? L’orgueil, poussé à un certain point, devient une démence. Il dénature et corrompt l’esprit jusqu’à des profondeurs insondables. Aussi pourrait-on être pris de pitié encore plus que de colère et d’indignation, si les savans allemands s’étaient contentés d’affirmer ou de nier ; mais ils se sont emportés jusqu’à injurier et, sous prétexte de réfuter ce qu’ils appellent des calomnies, ils ont lâchement calomnié leurs victimes. Après avoir accusé les Belges d’avoir tiré traîtreusement sur leurs soldats, d’avoir mutilé les blessés et égorgé des médecins dans l’exercice de leur profession charitable, ils ajoutent sans rougir: « On ne saurait commettre d’infamie plus grande que de passer sous silence les atrocités de ces assassins et d’imputer à crime à des Allemands la juste punition qu’ils se sont vus forcés d’infliger à ces bandits. » Assassins ! bandits ! La conscience de l’humanité a déjà renvoyé ces qualifications à ceux qui les appliquent aux infortunés habitans de Louvain. Ce sont là des ignominies que la science ne saurait excuser ni couvrir, et ce n’est pas seulement en France ou en Angleterre que la lecture du misérable factum a fait courir un frisson d’horreur. A l’encontre de toutes ces négations des savans allemands, nous persistons à affirmer que toutes les cruautés relevées contre leurs