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faisceau, nous laissent une première inquiétude. C’est le 13 juillet 1806 que M. et Mme de Chateaubriand avaient quitté Paris. Le 28, sur le rivage de Venise, où son époux la laissait malgré elle, Mme de Chateaubriand, toute frémissante, assistait à l’embarquement de ce nouveau Croisé. Le 10 août, il abordait la côte de Messénie, et, du 10 au 30, promenait ses rêves en Grèce. Le 4 septembre, il était à Smyrne. De Smyrne, il gagnait à cheval Constantinople, où il passait cinq jours. De nouveau, le 18 septembre, il s’embarque, et, cette fois, pour Jaffa. Il y arrive le 1er octobre. Ici laissons la parole à un humble compagnon, dont nous aurons, plus tard, à utiliser les notes de voyage. Donc, comme dit en son style un peu épais, Julien, valet de chambre de M. de Chateaubriand, « nous avons resté à Jaffa jusqu’au vendredi 3, dont nous sommes partis pour Jérusalem et parcourir les environs, comme Bethléem, la Mer Morte et le Jourdain… Nous sommes repartis de Jérusalem le vendredi 10, pour retourner à Jaffa, où nous sommes arrivés le samedi 11. » Le 16 octobre, un bateau quittait Jaffa pour Alexandrie : ils y montaient. Défalcation faite des jours d’attente à Jaffa, Chateaubriand avait consacré sept jours à la Palestine, dont trois à Jérusalem. Arrivé au Caire, il s’y reposait un mois. Le 23 novembre, il s’embarquait pour Tunis, où il ne parvenait que le 18 janvier, « après une traversée de 58 jours, qui fut une espèce de naufrage continuel. » Le voilà à Tunis : « On approchait, dit-il, du carnaval, et l’on ne songeait qu’à rire aux dépens des Maures… Au lieu d’aller méditer sur les ruines de Carthage, je fus obligé de courir au bal, de m’habiller en Turc, et de me prêter à toutes les folies d’une troupe d’officiers américains, pleins de gaieté et de jeunesse. » Six semaines durant, il prolongea sans remords ce joyeux carnaval tunisien. Le 5 mars, il quittait Tunis pour Gibraltar, où il débarquait le 27. Avril tout entier se passait en Espagne, à Cadix, Grenade et Madrid. Le 3 mai, il touchait la frontière française, et, le 5 juin 1807, rentrait à Paris.

Ainsi, sur ces trois cent trente-deux jours de « pèlerinage, » cet étrange pèlerin n’en a gardé que trois pour Jérusalem. Et, sans doute, dans le, livre, la Palestine obtient une réparation : elle en occupe le tiers, quelque trois cents pages et plus ; mais notre surprise demeure.

Au reste, qu’on les lise elles-mêmes, ces doctes trois cents