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LES IMAGES D’ÉPINAL

Sans doute c’est une illusion : il me semble qu’elles se font plus rares qu’autrefois. On ne voit plus chez le papetier leurs feuilles multicolores qu’attachent le long d’une ficelle des épingles de blanchisseuse ; elles ne pendent plus devant les casiers, en liasses qui s’abattaient sous nos yeux enfiévrés et nous faisaient éprouver toutes les anxiétés du désir. Les petits Français de ma connaissance n’ont pas entre les mains une seule de ces pages qui émerveillaient notre enfance. Je les plains ; il leur manque une des joies de leur âge. Dans les heures tragiques que nous traversons, où tout ce qui nous parle du cher pays lorrain retentit plus que jamais au fond de notre cœur, on lira avec un intérêt ému, le beau livre que M. René Perrout vient de consacrer à l’image d’Epinal[1].

M. René Perrout est un avocat d’Epinal qui est un pratiquant de la culture régionaliste. Il est un peu le Pouvillon de son petit coin des Vosges. Il fallait un tel écrivain pour bien faire l’histoire dont nous nous occupons. Il y fallait la connaissance des choses et des gens, la familiarité avec la tradition locale, une qualité de talent particulière, de la cordialité, de l’humour, de la philosophie. Il y fallait enfin un grand fonds de patience, car la tâche exigeait les recherches les plus délicates. Le peuple est un conservateur négligent de ces choses fragiles, que menacent sans cesse mille causes de ruine ; les collectionneurs les dédaignent, et les dépôts publics, il y a cinquante ans, partageaient cette

  1. Les images d’Epinal, par M. René Perrout. Préface de M. Maurice Barrès. Cent cinquante illustrations d’après des imagées d’Epinal, 1 vol. in-4o, chez Ollendorff.