Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à ce moment que le gouvernement en est sorti et que le général Galliéni en a été nommé gouverneur.

Ce choix a été universellement approuvé. Le général Galliéni s’est distingué par son intelligence, son coup d’œil sûr et rapide, sa présence d’esprit, son énergie, dans toutes les missions qui lui ont été confiées : c’est à lui que nous devons notamment la conquête de Madagascar, et, après la conquête militaire, il s’est montré aussi bon administrateur qu’n avait été bon général. En prenant possession de son commandement, il a adressé à la population une proclamation dont la brièveté a plu : il s’est contenté de dire qu’ayant été chargé de la défense de Paris, il remplirait son devoir jusqu’au bout. Ce devoir lui imposait tout de suite une grande activité. Les fortifications de Paris avaient besoin d’être soutenues, épaulées par des travaux qu’on avait trop négligés jusqu’à ce moment. On s’est empressé d’y procéder : il n’y avait pas un moment à perdre. Nous avons eu alors une surprise heureuse : la droite allemande qui était déjà entre Compiègne et Senlis et avait poussé des pointes hardies jusqu’à Pontoise, s’est tout d’un coup incurvée vers l’Est et éloignée. Est-ce pour les motifs que nous avons indiqués plus haut et qui devaient diminuer aux yeux des Allemands le prix de Paris ? Il est plus probable que l’état-major ennemi a senti l’imprudence qu’il y avait de sa part à continuer sa marche sur une ville défendue par une armée nombreuse, en laissant derrière lui une autre armée, et même plusieurs. Il fallait d’abord se débarrasser de ces armées dans une grande bataille. Elle se poursuit en ce moment. Avec une remarquable promptitude de décision et conformément à leur méthode habituelle, les Allemands ont porté leur effort principal sur un point qui n’est plus leur extrême-droite et notre extrême-gauche. La leur, jusqu’ici, avait constamment refoulé la nôtre ; maintenant, c’est le contraire ; l’extrême-droite allemande se défend avec moins de succès, elle recule Mais le nœud de l’action semble être au centre, du côté de Vitry-le-François. Là, les positions sont disputées avec acharnement de part et d’autre et avec des fortunes qui semblent se balancer, et c’est une angoisse profonde pour Paris de savoir que la gigantesque bataille qui aura un effet immédiat sur son sort se poursuit si près de lui, sans qu’il en sache d’ailleurs autre chose. La scène se passe derrière un rideau baissé.

Et ce n’est pas seulement sur le sort de Paris que la bataille en cours influera, c’est aussi sur le reste de la campagne. Toutefois, cette campagne, on ne saurait trop le répéter, n’est pas limitée aux horizons