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LE PONTIFICAT DE PIE X

Le pape Pie X a rendu à Dieu l’une des âmes les plus religieuses qui aient imprimé une direction aux affaires de l’Église sur cette chaire apostolique où tant de grands et de saints pontifes se sont assis. Au printemps de l’année dernière, la santé de l’auguste vieillard avait subi une atteinte grave dont il semblait qu’elle ne se fût pas complètement relevée. On l’avait vu se dresser encore pour prononcer, en imposant la barrette à de nouveaux cardinaux, une de ces allocutions où ses idées et son caractère apparaissent quelquefois mieux que dans les actes solennels de son pontificat. Et, chez un homme dont on sentait décliner les forces, cette affirmation énergique de ses tendances et de ses convictions ne pouvait qu’impressionner.

Le début de la guerre coïncidait avec le onzième anniversaire de l’élection qui avait conféré à Giuseppe Sarto, désormais Pie X, fils d’humbles paysans de Riese, dans la Marche de Trévise, la plus haute puissance morale de l’univers. Et le Pape, qui avait tenté vainement un appel à cet autre vieillard, l’empereur d’Autriche, dont l’intervention s’était montrée au conclave de 1903, voulut élever à cette occasion sa voix affaiblie pour une exhortation à la paix qu’on n’entendit point. Dix-sept jours plus tard, le Père commun de ceux qui s’entr’égorgeaient sur des champs de bataille, ayant béni, à Rome, des séminaristes partis pour des armées adverses, ayant ouï parler d’atrocités sauvages, de curés fusillés, brisé par l’âge, l’usure, la maladie, les émotions, expirait, après une brusque rechute, dans une chambre au sommet du Vatican. Son agonie brève s’achevait, dans la prière, dans le sacrifice de la vie du pasteur pour son troupeau, au bruit lointain