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à cette estimable personne. C’est un peu fort. Pétard et le jeune Persanges échangent des propos désobligeans. Enfin Philippe laisse la place à Pétard, et Hélène fait avec le millionnaire amoureux ce marché : donnant, donnant ; elle se donnera à lui, à condition qu’il lui donne Persanges ; elle sera sa maîtresse, le jour où il lui apportera les titres de propriété de Persanges. Nous devinons qu’elle veut rendre ainsi à Philippe le château de ses pères : joli cadeau à recevoir d’une femme galante.

Au troisième acte, Lucie supplie son amie Hélène de ne pas devenir la maîtresse de Pétard : tout de suite, Hélène s’y engage. Arrive Pétard, comme nous nous y attendions, portant dans ses bras les titres de propriété de Persanges. Pour tenir la promesse qu’elle vient de faire à la fille, Hélène manque à la promesse qu’elle avait faite au père : elle se refuse. Pétard donne tout de même le château : pour un forban, c’est un forban de bonne composition. Au tour de Philippe de refuser le château : il est toujours disposé à prendre Hélène, et à la prendre pour femme, quoiqu’il la connaisse maintenant pour ce qu’elle est : une vulgaire courtisane. Mais il ne veut pas du château. Personne n’en veut. Persanges n’est plus ni au vieux gentilhomme qui l’a vendu, ni au parvenu qui l’a acheté, ni à la courtisane qui se l’est fait donner pour un autre, ni à cet autre qui repousse, un abominable présent : il n’est à personne. Il est, comme dit l’adage de droit, res nullius. Il fait retour à l’État ; on l’aménagera en hospice. Plaignons-le : dans toute cette affaire, lui seul est à plaindre... Ainsi toute la perversité d’Hélène n’aboutit à aucun résultat ; du caractère de Pétard, tel qu’il l’avait posé, l’auteur n’a tiré aucun effet ; l’intrigue, qui emplit les deux derniers actes, compliquée, flottante, sujette à revenir sur elle-même et surtout à dévier, ne mène à aucune conclusion. Et pourtant nous écoutons sans ennui ces deux actes qui n’aboutissent pas, parce que les personnages de M. Lavedan, même quand ils n’ont rien à dire, le disent très bien, de cette manière chatoyante et forte qui est la manière de M. Lavedan et dont on ne se lasse pas.

M. Guitry a été, surtout au premier acte, un Pétard superbe de vulgarité, d’outrecuidance et de bonhomie. M. Gauthier est, comme toujours, charmant de jeunesse et d’impertinence dans le rôle du jeune gentilhomme. Mme Simone est coquette, nerveuse et trépidante à souhait sous les traits de l’incompréhensible Hélène.


L’Envolée n’est ni une pièce satirique, ni une comédie légère ; c’est