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une circonstance d’un tout autre ordre l’avait mis « en vive lumière mondaine et aussi en grande lumière historique. » Je veux parler de la mort de Talleyrand et de sa conversion in extremis. Il n’y a pas lieu de s’attarder aux détails d’un événement dont un magistral récit de M. Bernard de Lacombe, le journal de la duchesse de Dino et une relation de Mgr Dupanloup, publiée ici même, nous ont révélé en ces dernières années les péripéties peu connues jusque-là. Nous nous contenterons de rappeler qu’en 1838, époque de la mort de Talleyrand, le futur évêque d’Orléans était le confesseur de la charmante et angélique Pauline de Périgord, petite-nièce du prince, qui vivait près de lui avec sa mère la duchesse de Dino. Il se trouva donc là tout à point pour seconder les vues de Mgr de Quélen qui nourrissait l’espoir de ramener à Dieu l’âme égarée du grand pécheur qu’était, aux regards des catholiques, l’ancien évêque d’Autun. Le jeune prêtre eut l’honneur et le bonheur d’obtenir de lui la rétractation solennelle de ses erreurs passées.

Dans la joie que lui causait ce grand succès sacerdotal, il n’a jamais parlé qu’avec une admiration enthousiaste et respectueuse de l’attitude du mourant ; il a toujours protesté contre les incrédules qui contestaient la sincérité de cette rétractation et prétendaient qu’il n’y fallait voir qu’un témoignage de la faiblesse en laquelle était plongé le converti à l’approche de la mort. Je me suis efforcé de démontrer ailleurs que cette conclusion n’est plus guère admissible aujourd’hui. Trop de témoignages la démentent, et la maintenir serait faire injure à la mémoire des témoins comme à celle du pénitent. Mais il n’en est pas moins vrai qu’en se rappelant son passé et aussi les longs retards qu’il mit à en rétracter les erreurs, on ne peut se défendre d’un certain malaise qui dégénérerait promptement en doute, si la parole du confesseur ne nous affirmait que ce doute ne serait pas justifié. Du reste, quoi qu’on pense à cet égard, on ne saurait contester que le rôle de l’abbé Dupanloup en cette circonstance fut un chef-d’œuvre d’habileté, de prudence, de tolérance et de charité chrétienne et que c’est pour sa mémoire un titre d’honneur auquel l’homme et le prêtre ont une égale part.

A dater de ce moment, sa situation ne fera que grandir, et l’autorité qu’il y puise s’exercera non seulement par la parole, mais aussi par la plume. En même temps qu’il continue à