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dans l’âme des adolescens les enseignemens religieux qu’ils ont reçus avant d’accomplir le plus grand acte de la vie chrétienne. Peut-être, confié à un autre que lui, ce professorat n’aurait pas acquis l’importance qu’il prit en peu de temps. Le catéchiste aurait pu se borner à prêcher à ses jeunes auditeurs les vérités éternelles en laissant à ses instructions la forme familière à laquelle les enfans qui suivent le catéchisme sont le plus souvent accoutumés. Mais, promptement, son imagination qu’une foi ardente rendait plus féconde s’exalta au contact de son auditoire composé de trois ou quatre cents enfans accompagnés de leurs parens et dont beaucoup appartenaient à de très grandes familles. Les révolutions qui, en 1830, ravageaient l’Europe avaient amené à Paris des enfans d’Italie, de Pologne, de Portugal, d’Allemagne, du Brésil, « des enfans pauvres, des enfans riches et même des enfans royaux, des enfans qui, pour venir au catéchisme, arrivaient des plus misérables quartiers de Paris, ou sortaient des demeures les plus brillantes de l’opulence ; des enfans dont les parens appartenaient d’ailleurs à toutes les nuances les plus contraires des partis politiques qui partageaient alors la France. »

Dupanloup ajoute à cette description : « Je n’oublierai jamais le spectacle qu’ils m’offraient quand je leur parlais ; tous ces regards vifs et brillans fixés sur moi me paraissaient un miroir de leurs âmes que traversait en ce moment la parole divine comme le rayon du soleil traverse le pur cristal ; c’était vraiment le miroir de Dieu. »

On ne contestera pas que ce langage enthousiaste témoigne de l’ardeur et du zèle que l’éloquent catéchiste apportait dans l’accomplissement de sa mission. Elle avait pris rapidement des proportions inattendues, et l’enseignement du jeune prêtre se répandait sous la forme de véritables conférences aussi profitables aux grandes personnes qu’aux enfans. Il n’est donc pas étonnant qu’il s’y soit passionnément attaché et qu’il en ait conservé jusqu’à la fin de sa vie un souvenir où passait le regret d’avoir dû l’abandonner. Elle dura de 1825 à 1834. Il s’en fallut cependant de bien peu qu’elle ne fût interrompue en 1829, au moment de la formation du Cabinet Polignac. La Cour connaissant le royalisme de l’abbé Dupanloup lui fit offrir le poste de secrétaire général au ministère des Cultes. Il le refusa et, en constatant son refus, on ne peut que l’attribuer au très vif désir