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de marbre bleu turquoise, et sa plaque, avec les acteurs de la comédie Italienne, les quatre dessus de portes avec les fêtes galantes, sont rapportées d’ailleurs, mais, comme tout le mobilier, sont du même temps, dans le même style. Tout y contribue donc à nous mettre dans l’état d’esprit aimable et léger qui fut celui de la réaction contre l’austérité et la tristesse des dernières années du grand Roi, vieilli dans la dévotion, sous l’accablement des misères publiques et des douleurs familiales.

Deux peintures seulement, deux portraits isolés sur des chevalets, nous y présentent deux belles figures. On dirait le maître et la maîtresse de logis, accueillant les amateurs invités à examiner les bustes sur leurs socles, les vases de Chine sur la cheminée et sur la table, les miniatures sous les vitrines. Le Seigneur est un homme jeune dont le nom reste à trouver, mais de grand air, noble et intelligent. La gravité de son costume sombre comme celle de la peinture forte et correcte, semble celle d’une génération grandie et mûrie sous Louis XIV. La Dame, au contraire, est cette jolie, gracieuse, pétulante et toute jeunette encore Mlle de Cérisy, déjà Marquise d’Antin, plus tard comtesse de Forcalquier. Habillée de blanc, jouant parmi les fleurs avec son petit chien et sa perruche, c’est une apparition vraiment printanière. Nattier, cette fois, n’a pas eu besoin de farder, enjoliver, diviniser son modèle, pour en faire une rivale des Grâces et des Muses.

Les bustes des hauts personnages qui font cercle autour d’eux sont, il est vrai, plus solennels. Néanmoins, sous leurs perruques plus ou moins lourdes, on les sent bien, comme tous leurs spirituels contemporains, assez prompts à sourire. C’est le vieil architecte Jacques Gabriel, mort depuis longtemps, mais ressuscité pour la postérité par son ami Coysevox. Ce sont le Marquis de Marigny et le premier Chancelier Maupeou, par Lemoyne, Nicolas Wleughels, par Stodtz, Caumartin, par Houdon, le plus ancien de 1710, le plus récent de 1771.

Par une attention d’artiste bien informée, les grands et petits vases de Chine, les boites, flacons, coupes de même provenance, acquis à des époques bien diverses, suivant les hasards cherchés de la rencontre, ont été choisis avec soin parmi les ouvrages de même époque dans l’Empire Céleste, sous les Khang-Hi et les Kien-Loung. Dans les vitrines, les miniatures, avec leurs dimensions réduites, peuvent, sans nuire à l’ensemble, en prendre