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Ce qu’on doit constater, toutefois, c’est que le projet d’un enseignement pratique, ébauché à la place Royale, ait dû être, en fin de compte, abandonné, et que, malgré la très utile fondation de la Bibliothèque Forney, il reste toujours encore à désirer, pour le Paris des artistes et des ouvriers d’art, dans les quartiers laborieux, un Musée-École pratique et productif avec ateliers, laboratoires, apprentissages, collaborations industrielles et commerciales, fonctionnant comme les grandes abbayes bénédictines du Moyen âge, et la Manufacture des meubles du Roi aux Gobelins du temps de Colbert et Lebrun. C’était pourtant là ce que rêvait et préparait d’avance, avec son expérience et sa hauteur de visées coutumières, Léon de Laborde, dans les conclusions de son enquête préparatoire. Mais, sur ce point comme sur bien d’autres, son rêve et celui de notre génération ne s’est point encore réalisé. Que devient donc, même, la féconde, la vénérable petite école fondée au XVIIIe siècle par Bachelier et dite alors « des élèves protégés, » dans la rue de l’École-de-Médecine ? A quoi lui servent son titre d’Ecole nationale des Arts décoratifs, les constantes réclamations de ses directeurs et anciens élèves, devenus des artistes célèbres, Charles Garnier, Puvis de Chavannes, Chapu, Carpeaux, Roty, et tant de vaines promesses, tant d’occasions perdues ? Est-ce qu’on n’y entasse pas toujours, en des locaux trop étroits, la multitude des jeunes dessinateurs et modeleurs dont le nombre se multiplierait facilement, si on leur ouvrait des ateliers plus vastes et plus clairs ? Tant il est vrai que, souvent, nous sacrifions le fond à l’apparence, et les utilités du travail sérieux et discret aux fascinations des virtuosités vaniteuses et bruyantes !

Quoi qu’il en soit, lorsque Edouard André, en 1880, présida, pour la dernière fois, la distribution des récompenses à l’Union (Exposition des Arts du Métal), il tint à rappeler les services qu’avait rendus depuis seize ans « cette société de résistance, cette nouvelle Ligue du Bien public contre l’invasion étrangère. » En constatant tous les progrès faits par nos orfèvres, forgerons, joailliers, etc., il constatait aussi la valeur et l’effet des enseignemens donnés par les chefs-d’œuvre des anciens maîtres : « C’est, disait-il, dans la comparaison entre les siècles morts et le génie moderne, dans la contemplation des ouvrages du passé que le travailleur est saisi de l’immense désir de se compléter, de se perfectionner. Les formes, les modèles, les types admirés