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Wyndham avait eu la claire vision de cette vérité, et c’est un grand honneur pour l’Angleterre que le premier historien qui ait affirmé que Jeanne s’était refusée à toute abjuration, soit un Anglais.

Quoi de plus formel que ce qu’il écrit sur l’héroïsme de Jeanne : « Le tribunal de Rouen n’avait pu obtenir que Jeanne renonçât à ses révélations, ni par sollicitations, ni par menaces ; il fallait donc s’emparer d’elle par un faux. Et cependant, ce ne fut pas Jeanne qui fut victime du faux, mais le monde entier. A la fin du jeudi 24 mai, à Saint-Ouen, Jeanne savait bien qu’elle ne s’était aucunement rétractée, mais on fit en sorte de faire croire à tout le monde qu’elle avait rejeté ses révélations. On le croit encore aujourd’hui dans certains milieux. C’est un mensonge qui dure depuis presque cinq siècles et qu’il n’est pas aisé de faire disparaître. »

Devant le Conseil municipal de Rouen, une nouvelle thèse s’est donc trouvée développée par M. le Rapporteur. Après avoir dit que Jeanne n’avait rien renié à Saint-Ouen, M. Valin ajoute : « Il y a eu substitution de pièces, c’est certain. La déclaration dont Jeanne a répété la teneur, au cimetière Saint-Ouen, n’est pas celle qui est insérée au Procès, nous en sommes sûrs. La portée de l’abjuration a été restreinte à quelques engagemens sans grande importance, nous l’admettons. Mais il y a toujours quelque chose qui subsiste, c’est le fait de la soumission de Jeanne aux volontés du tribunal, fait constaté et par les affirmations des témoins, et par la lecture d’une formule qui contenait une renonciation. Or, ces faits constituent une abjuration, semblant d’abjuration si l’on veut, mais abjuration quand même effectivement prononcée devant un tribunal compétent pour connaître de la cause, ainsi que l’a implicitement reconnu la sentence de réhabilitation. »

Ces restrictions montrent donc qu’après avoir reconnu que Jeanne n’a rien renié et que la cédule d’abjuration est une pièce fausse, M. Valin recule devant les conséquences ; et des subtilités juridiques l’entraînent à se prononcer contre la logique de ses propres affirmations.

De ce que la sentence de réhabilitation n’a pas déclaré le tribunal incompétent, il en résulterait, pour M. Valin, que tout acte quelconque accompli devant ce tribunal deviendrait une abjuration ! C’est ainsi que la lecture d’une formule insignifiante.