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Fouquier entrèrent dans la salle du jury et il paraît, d’après certains témoignages, qu’ils produisirent « une lettre qu’ils disaient venir de l’étranger et qui était adressée à Danton. » Quelle était cette pièce secrète, destinée à dissiper les scrupules ? M. Joseph Reinach se l’est demandé sans arriver à répondre. Mais le fait de la pièce produite lui semble assuré. S’il ne s’agit pas d’un simple faux, ce dut être quelque lettre ancienne relative à Marie-Antoinette.

Quoi qu’il en soit, Paris vit soudain les jurés descendre les escaliers avec des airs de forcenés. Trinchard, le chef du jury, apercevant Paris, lui cria « avec un air furieux : « Les scélérats vont périr ! » Et il fit avec son bras le geste atroce du couperet qui tombe.

Un instant après, le jury apportait sur la double question : « Il a existé une conspiration tendant à établir la Monarchie… lia existé une conspiration tendant à diffamer et avilit la représentation ? » un verdict affirmatif qui, — sauf Luillier, — déclarait coupables les prévenus.

L’accusateur, alors, présenta ses conclusions et, le Tribunal consulté, en face des bancs maintenant vides des prévenus, le président prononça la sentence qui les condamnait à mort et ordonnait que « le jugement leur serait notifié entre les deux guichets de la prison. »

En fait, ils ne pouvaient douter de leur sort : depuis la veille, ils étaient sur la charrette.


Le 16 germinal même (6 avril), au début de l’après-midi, le bourreau Sanson se rendit à la Conciergerie pour y faire la « toilette » de « ses hommes : » « Gros gibier aujourd’hui ! » lui cria un gendarme.

La journée était superbe. Paris se ruait à ce prodigieux spectacle : Danton et Desmoulins conduits à la guillotine. Mais, en dépit du ciel bleu et des arbres en fleurs que signale un témoin, ce n’était pas, de la part de la foule, cette joie indécente qui avait récemment souffleté Hébert et sa bande. « Français, écrira sous peu Dyannière, rappelez-vous le deuil qui régnait à Paris lorsque Danton fut conduit à l’échafaud. »

Danton avait, à l’arrivée de Sanson, montré une tragique