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REVUE DRAMATIQUE


Odéon : Le Bourgeois aux champs, comédie en trois actes de M. Brieux. — Porte-Saint-Martin : Madame, comédie en trois actes de MM. Abel Hermant et Alfred Savoir. — Nouvel-Ambigu : L’Épervier, comédie en trois actes de M. Francis de Croisset. — Comédie-Française : Reprise de Georgette Lemeunier, comédie en quatre actes de M. Maurice Donnay.


Le citadin qui se veut faire campagnard a de tout temps prêté à rire. Un beau jour, et généralement sur la fin de ses jours, il se découvre une âme en harmonie avec la nature, rêve des prés et des rivières, et la seule idée d’un arbre qui ne serait pas planté dans l’asphalte des boulevards le fait pâmer d’attendrissement. Il se représente, sous des couleurs idylliques, la paix des champs et les mœurs innocentes de ceux qui y vivent dans la simplicité, loin de l’atmosphère deux fois empestée des villes. La philosophie vient à propos corroborer ses poétiques aspirations, et lui enseigne que l’homme n’a été créé ni pour écrire des livres, ni pour jouer à la Bourse, ni pour se livrer à des travaux de statistique, toutes occupations artificielles, mais pour recueillir les fruits du sol fécondé par le geste auguste et millénaire du semeur. Donc, il émigre, troque son appartement pour une villa, sa redingote pour une blouse et, pendant les premiers temps, goûte, au changement de ses habitudes, une joie sans mélange. C’est trop beau, cela ne dure pas. Bientôt il sent monter autour de lui une sourde hostilité : celle des choses qui ne se livrent qu’à leurs familiers, celle des gens qui se révoltent contre les intrus. Et notre campagnard d’hier, déjà désabusé, se rend compte qu’il a été moins victime des autres que dupe de lui-même. Ce qu’il prenait pour le goût de la campagne, c’était le dégoût de la ville, à laquelle il n’avait rien à reprocher que d’y avoir toujours vécu ; et c’était donc le dégoût de lui-même.