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paru dans des journaux locaux, la Saison, de Boulogne-sur-Mer, ou la France du Nord ; d’autres étaient restés inédits. Angellier se proposait de les recueillir en un volume à tirage très restreint, qu’il voulait offrir aux seuls amis de sa jeunesse. Un fidèle ami du poète, le docteur Louis Ovion, a réalisé son vœu. Rarement publication posthume aura jeté plus vive lumière sur les origines et la formation d’un grand talent.

Et d’abord, Angellier a fait comme tous les poètes, ou, pour mieux dire, comme tous les écrivains : il a commencé par imiter, ou, tout au moins, par se souvenir.

Ou bien je franchissais le portail tourmenté
D’un poème effrayant comme une cathédrale
Où, sur le cœur humain, le vers dur, attristé,
Tombe comme un cercueil qu’on pose sur la dalle.

Certes, les deux derniers vers sont beaux, et l’image est originale. Mais ne font-il pas invinciblement chanter dans notre mémoire l’adorable strophe de Sully Prudhomme :

Parfois un vers, complice intime, vient rouvrir
Quelque plaie où le feu désire qu’on l’attise ;
Parfois un mot, le nom de ce qui fait souffrir.
Tombe comme une larme, à la place précise
Où le cœur méconnu l’attendait pour guérir ?…

Voici, dans une même strophe, deux réminiscences de Musset :

Souvenir ! Souvenir ! frère de l’Espérance,
Avec ta blonde sœur le seul bien ici-bas,
Le seul bien qui soit pur de l’amère souffrance.
Qui nous reste fidèle et ne nous trompe pas !

Le poète, sans s’en douter peut-être, a reproduit ici un hémistiche de l’Espoir en Dieu :

L’amour même, l’amour, le seul bien d’ici-bas,

et un autre de la Nuit de mai :

Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance !

Mais de toutes les influences poétiques qu’Angellier a pu subir, la plus décisive et la plus constante me semble bien avoir été celle de Victor Hugo. A une amie qui partait pour l’Italie, il envoie un volume