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« véritables ennemis de la République. » « Le peuple ne veut pas que l’individu qui n’est pas né avec la vigueur révolutionnaire soit pour cela seul traité comme un coupable. » Il osa citer Henri IV qui avait su renoncer à la vengeance. Le peuple l’imiterait.

L’Assemblée dut comprendre. En tout cas, les terroristes se sentirent atteints. L’un d’eux, Fayau, protesta : « Danton, tandis que le peuple a besoin d’être terrible, l’invitait à la clémence ! » Le tribun se défendit et il s’ensuivit un débat aigre-doux : Danton protesta de son « impérissable républicanisme ; » on le verrait proposer, comme par le passé, les plus fortes mesures révolutionnaires. Il fut applaudi.

Il fut encore applaudi quand, le même jour, il prononça un grand discours sur l’organisation de l’instruction publique, mais il en profita pour opposer au culte de la Raison celui de l’Etre Suprême, et il accentua encore son attitude le 11 frimaire (1er décembre). « Maintenant que le fédéralisme est brisé, s’écria-t-il hardiment... tout homme qui se fait ultra-révolutionnaire donnera des résultats aussi dangereux que pourrait le faire le contre-révolutionnaire décidé. » Il demanda le rappel des commissaires exagérés. Il concluait : « Après avoir donné tout à la rigueur, donnons beaucoup à la sagesse. »

Tout cela visait ouvertement le parti d’Hébert, mais, sous ce couvert, plus d’un avertissement se glissait à l’adresse du Comité terroriste. Robespierre affectait de ne les point remarquer. La campagne menée contre la déchristianisation l’arrangeait. Mais pour qu’elle portât ses fruits, il fallait que Danton fût, — provisoirement, — lavé de certains soupçons qui, pesant sur lui, l’entravaient. Robespierre s’avisa qu’il était temps qu’avec condescendance, il accordât à son « vieil ami, » en plein club, une absolution sous conditions. Il la lui donna solennellement le 13 frimaire (3 décembre).

Danton avait reparu aux Jacobins et aussitôt pris prétexte d’une insignifiante motion pour prier qu’on se défiât de ceux qui « proposeraient des mesures ultra-révolutionnaires. » Les Hébertistes visés avaient riposté par une attaque en règle qu’il parut ne repousser qu’avec peine. « Après plusieurs morceaux véhémens, dit le compte rendu, prononcés avec une abondance qui ne nous a pas permis d’en recueillir les traits, » il finit par demander la constitution d’une commission de douze membres, chargés d’examiner les accusations portées contre lui.