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un député, Briez, ayant été fort dur pour le Comité, elle décida de l’adjoindre à ceux qu’il avait attaqués.

Robespierre sentit le coup. Il monta à la tribune et, suivant son constant procédé, visa à faire peur. « Ceux qui nous dénoncent, eux-mêmes, seront dénoncés : d’accusateurs qu’ils sont, ils vont devenir accusés. » La Convention terrifiée applaudit : Briez vint s’excuser. Jeanbon acheva la déroute : ceux qui accusaient le Comité étaient « des débris de la faction girondine, des modérés. » Ce fut une panique : on retira les motions. Mais Robespierre entendit avoir mieux : une manifestation de confiance. L’Assemblée se leva tout entière pour la lui donner. La journée était lamentable pour les adversaires du Comité.

Danton n’avait pas paru. Il était malade. Avant même que cette séance du 25 vînt raffermir Robespierre, celle des Cordeliers du 21 lui avait fait présager la défaite. On lui avait pris ses Cordeliers : Hébert tournait contre lui son vieux club.

Alors, comme en tant de circonstances, l’homme avait lâché la partie et s’était laissé brusquement retomber. Après ses triomphes de tribune des 5, 6, 8 et 13 septembre, la déception avait été trop forte. Dès le 21, une mention aux registres du Comité de sûreté générale le signale comme « malade. » Le bruit de cette maladie se répandit, semant l’angoisse parmi les amis éloignés. « J’ai été inquiet de Danton, écrit Fréron à Desmoulins... Marque-moi qu’il est rétabli. » Mais les ennemis ricanaient : « Ce n’est qu’une grimace, un prétexte pour légitimer son absence de l’Assemblée. »

Ce n’était ni « grimace » ni vraie maladie. En réalité, il était affreusement las, « saoul des hommes, » disait-il. Puisque sa récente politique de tribune ne réussissait même pas à lui valoir, à défaut du pouvoir, un regain de confiance dans les clubs avancés, il ne lui en restait que le dégoût de s’y être laissé entraîner. Au lieu « d’accrocher le char, » ainsi qu’un jour il l’avait promis à Lameth, il l’avait fait avancer et le char allait écraser dix mille victimes avant peu. La Reine avait été, le 1er août, transférée à la Conciergerie, son procès s’instruisait ; il ne la sauverait pas, et d’autres, dont la pensée le hantait, étaient tout aussi sûrement condamnés, les Girondins. Cette inepte politique de proscription l’exaspérait : « En conduisant Antoinette à l’échafaud, disait-il, on détruisait l’espoir de traiter