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dont le docteur Ménétrier s’est fait l’éloquent champion et à laquelle M. Le Dantec vient d’apporter une adhésion éminente[1].

A l’appui de la théorie qui veut que le primum movens du cancer soit un microbe, — d’ailleurs non encore isolé, peut-être à cause de sa petitesse, — les expériences du docteur Borrel ont apporté des faits profondément troublans. Reprenant la voie ouverte jadis par Moreau, M. Borrel a montré qu’on peut transplanter le cancer d’un animal à un autre de même espèce, à la condition que celui-ci soit dans des conditions extérieures analogues. C’est la souris qui, à cause de son prix modique et de la commodité de son élevage et de sa surveillance, a été surtout employée comme sujet d’expériences. Tout d’abord, il a transplanté de souris à souris des morceaux de cancer qui ont fort bien prospéré sur leurs nouveaux hôtes. Mais, comme cela a été montré de diverses manières, cette transplantation n’est pas une inoculation, mais une greffe. Les cellules cancéreuses de la centième souris cancérisée de proche en proche à partir de la première sont issues par descendance directe des cellules cancéreuses de celle-ci. C’est dans ce sens qu’il faut entendre la définition si profonde proposée par M. Borrel : « Un cancer est constitué par des cellules qui ont acquis la propriété de se multiplier indéfiniment dans le temps et indéfiniment dans l’espace. » Il ne s’agit nullement d’une inoculation par un virus microbien, car on n’a obtenu que des résultats négatifs en voulant transmettre le cancer des souris au moyen d’une bouillie obtenue par trituration d’un fragment cancéreux de façon à en détruire les cellules. Ceci ne prouve donc rien pour ou contre un virus cancéreux, mais, en revanche, M. Borrel a trouvé fréquemment chez la souris, le cheval, l’homme même, au centre d’une tumeur cancéreuse naissante, un ver parasite ou un acarien minuscule qui semble en avoir été le point de départ. Le virus cancéreux serait fréquent partout autour de nous, mais ne pourrait agir que sur un terrain déjà préparé et en quelque sorte prédisposé. Ces parasites seraient à la fois, par l’irritation qu’ils produisent, les agens de cette prédisposition, et, d’autre part, les véhicules du virus. A l’appui de ces idées, on peut invoquer une fort curieuse expérience de Fibiger dans laquelle on produit le cancer de l’estomac chez des rats parasités par un ver particulier dont la blatte américaine dévore les œufs avant d’être elle-même mangée par le rat.

Les faits les plus éloquemment favorables à l’origine virulente et externe du cancer sont tirés de l’élevage des souris : dans certaines

  1. Biologica, loc. cit.