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Ah ! Mensonges, reflets trompeurs, jeux de miroir,
Illusions et folles courses !
Ce soir, écoutez-moi, — n’écoutez pas, ce soir,
Le bondissant appel des sources !

N’écoutez pas le souffle amoureux et léger
De la nuit apprêtant ses voiles…
Du chant des rossignols demeurez protégé,
Et des yeux tendres des étoiles ;

Et de l’écho muet des désirs, des aveux,
Des souvenirs, — perfides baumes…
Restez sourd, ô mon cœur, à la lampe qui veut
Que l’on veille avec les fantômes !

Reposez, reposez, ne fût-ce qu’un moment,
Dans l’indifférence des choses…
Mais le don de sentir, ce merveilleux tourment,
Meurt et renaît de mille causes ;

C’est un vin que les dieux composent à leur gré
Pour nos cœurs débordans et vides,
Et dont vous resterez à jamais altéré
Comme l’urne des Danaïdes !


LES OMBRES


Fantômes légers, vains et fluides corps
Devinés à peine,
O vous qui parlez avec la voix des Morts,
Cette voix lointaine…
Lorsque vient la nuit, la donneuse de paix
Et de solitude,
Vous m’apparaissez — et je vous reconnais
Avec certitude.
Je vous vois surgir comme à pas de velours
De l’alcôve sombre ;
Parfois vous chassez le vol d’un rêve lourd,
O fragiles Ombres !