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histoires ne sont pas un roman de vie coloniale ; l’expérience de l’Algérie montre trop que c’en est le pain quotidien. Combien de caïds n’ont-ils pas fait tout ce qu’ils voulaient sous le couvert d’un administrateur ou d’un bureau arabe qu’ils savaient flatter et endormir ? Tel chaouch algérien, habile homme qui sut « chambrer » ses chefs, devenir le subordonné indispensable se chargeant de régler toutes les affaires, mais qui vendait le droit de pénétrer jusqu’au maître et ses bons offices auprès de lui, s’est retiré, dit-on, avec une fortune de 300 000 francs gagnée en exploitant ainsi les antichambres. Sans une véritable élite chargée du contrôle, des iniquités sans nombre se commettront en notre nom au Maroc, et cette élite est difficile à recruter et encore plus à tenir en haleine. Rien n’est plus capable d’émousser les énergies et les bonnes volontés que l’isolement au contact d’un milieu dont la démoralisation fait peu à peu douter de la possibilité du bien, et de l’utilité de l’effort.

Notre œuvre marocaine, par l’effet des circonstances et de notre imprévoyance, a dû être une improvisation. L’occupation française, précipitée, en 1911, a étendu plus vite nos responsabilités que nos moyens d’y faire face. C’est ce qui explique que, malgré des efforts louables et souvent heureux, le travail du contrôle soit à peine commencé et qu’il ne se soit pas fait sentir aussi vite que l’attendait la population pressurée.

La Résidence générale, qui concevait toutes les nécessités de sa tâche, n’en avait pas tous les moyens. Elle a commencé par essayer de former, pour ménager les transitions et assurer la continuité de notre action sur les indigènes, les premiers agens civils dans les bureaux militaires. Puis elle s’est appliquée à forger dans son ensemble l’instrument du contrôle. Son arrêté du 2 août 1913 manifeste la volonté de le créer avec des hommes qui lui apportent un esprit cultivé et qui soient obligés à faire, pendant une période d’essai, preuve d’aptitudes professionnelles et de caractère.

L’arrêté « réglant les conditions d’organisation et de fonctionnement du corps du contrôle civil » s’inspire des meilleurs modèles, et notamment des règles adoptées pour le recrutement du Civil Service de l’Inde anglaise. Très large en ce qui concerne les titres des candidats, de manière à donner au recrutement du contrôle une grande richesse d’apports et une grande variété de nuances, il veut éprouver et fondre ces élémens divers par