Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des territoires déjà soumis. Il n’y a rien à attendre de sa collaboration dans l’une et presque rien dans l’autre des deux tâches qui partagent encore les efforts de notre politique indigène selon l’état de la pénétration française dans telle ou telle région du pays : la pacification et l’administration.

C’est le travail direct de nos officiers sur les influences locales et non l’intermédiaire du Makhzen qui a permis, sur certains points, de retarder ou d’atténuer par la politique l’effort militaire de la conquête. Dans le Sud, le général Lyautey et ses collaborateurs ont pu employer, à maintenir la paix dans le Grand Atlas et à pacifier une grande partie du Sous, de grands personnages locaux, le Glaoui, le Goundafi, le Mtougui, nommés jadis caïds par le Sultan parce que leur force propre les imposait à son investiture. Sans doute les autres régions, jadis à demi soumises au Makhzen ou complètement Siba, sont plus inorganiques que ces pays méridionaux. Le Moyen Atlas, en particulier, qui borde, de la banlieue de Demnat à celle de Taza, les pays que nous tenons déjà, ne présentait guère d’autorités sociales faciles à utiliser pour nous dispenser d’imposer la paix par l’usage exclusif de la force. Le Nord de cette zone montagneuse passe même pour complètement anarchique : « chacun est pour soi avec son fusil, » dit-on pour définir l’état social de la grosse tribu des Béni Ouaraïn. Cependant, en approchant, nos officiers discernent quelques points fixes dans cette poussière d’hommes. Des personnages, usant de l’autorité relative qu’ils ont, et désireux de la grossir et de la consolider en devenant les agens des maîtres de demain, s’emploient à rallier ce qu’ils peuvent des tribus que l’expérience a convaincues de l’inutilité de la lutte contre le Roumi et que la neige contraint à descendre l’hiver, avec leurs troupeaux, sur les pentes inférieures du Moyen Atlas déjà tenues par nos postes. Chez les Zaïan, des ambitieux sont entrés en relations avec les Français dans l’espoir de se faire donner plus tard tout ou partie du commandement de Hammou Zaiani ; de son côté, celui-ci a commencé à « causer » pour lutter contre les intrigues de ceux qui aspirent ainsi à ses dépouilles. Partout, en mêlant la politique à la démonstration de la force, on peut susciter et exploiter des rivalités de ce genre. Cette action suppose un service des renseignemens remarquablement organisé et actif. De fait, les officiers qu’il emploie s’ingénient dans les postes avancés à