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religieuse des races. Ainsi c’est un peu de nous que j’allais demander à Londres, aux tableaux des Grafton galleries, puisque ce sont les mêmes que nos maîtres admiraient dans l’ancien musée espagnol !


I. — LES PRIMITIFS

Les mêmes… A vrai dire, ce n’est pas tout à fait exact. Le spectacle, en réalité, est un peu différent. L’érudition moderne a passé par-là, cela se voit. Les études espagnoles ont fait depuis quelques années un pas considérable. On a remué les archives, exploré les provinces, dressé des inventaires. De là résulte tout un lot de notions nouvelles. Gautier ne connaissait que les classiques du XVIIe siècle ; il y a maintenant des « primitifs espagnols. »

C’est à l’exposé de leur histoire que les organisateurs ont consacré leur première salle. Et il faut admirer qu’ils aient pu rencontrer dans les collections de Londres de quoi illustrer leur sujet. Le trait est à l’honneur des amateurs anglais : signale-t-on quelque part quelque chose, vite deux ou trois se dévouent et se hâtent de sauver la vieille réputation des collections nationales. Nous apprenons donc qu’il y avait, dès le XIVe siècle, des peintres catalans très laborieux et très féconds, qu’il existait d’autres ateliers fort importans à Salamanque, et d’autres encore à Séville et dans le royaume de Valence. Toute cette vieille Espagne nous paraît occupée à orner de retables dorés, compliqués et prolixes, ses églises neuves et ses mosquées fraîchement converties. Nous distinguons en outre certaines nuances locales : un accent populaire et bon enfant en Catalogne, féodal en Castille et, en Andalousie, gentil et gracieux. On reconnaît d’ailleurs, selon les temps et les provinces, l’action des modèles et des influences étrangères, françaises, puis siennoises, flamandes enfin, surtout flamandes. Il n’y a qu’une seule chose qui manque à tous ces « primitifs : » c’est le caractère « espagnol. »

En veut-on un exemple ? En voici un qui se présente aux Grafton galleries : l’histoire est assez amusante. Il y a une dizaine d’années, on ne parlait, dans le petit monde de la critique d’art, que des nouveaux protégés du regretté Henri Bouchot : Fouquet et Charonton, et Nicolas Froment, et le « Maître de Moulins, » et le « Maître de Boulbon. » Là-dessus, un