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sujet, aucun doute sur ses intentions ou, pour mieux dire, sur ses très fermes résolutions.

Est-ce à cela qu’il faut attribuer le changement d’attitude et de langage qui s’est produit à Constantinople ? On y fait maintenant étalage d’intentions pacifiques un peu nouvelles, mais que nous voulons croire sincères : il sera sage toutefois de bien s’assurer qu’elles le sont et d’exiger des garanties solides de cette sincérité. Au milieu des menaces dont elle a été l’objet et des appréhensions qu’elle a dû en concevoir, la Grèce a gardé un sang-froid qui ne lui fait pas moins d’honneur que les qualités militaires qu’elle a montrées sur les champs de bataille. M. Venizelos a fait une tournée dans les grandes capitales de l’Europe en commençant par Rome, c’est-à-dire par l’endroit où les préventions contre la Grèce avaient une particulière acuité. On assure qu’il a réussi à les atténuer, peut-être à les dissiper. Partout sa présence a été utile et a laissé une impression d’estime et de sympathie. On ne doute plus aujourd’hui que, le moment venu, les troupes grecques évacueront les territoires de l’Épire qui ont été dévolus à l’Albanie et on s’attend à ce que le gouvernement hellénique n’y encourage pas une résistance désormais inutile. Mais qu’adviendra-t-il des îles ? Il n’est plus question aujourd’hui à Constantinople de les reprendre par la force ; peut-être n’y a-t-on pas encore complètement renoncé ; en tout cas, on n’ose plus l’avouer ; mais on affiche une grande confiance dans le résultat des négociations que la reprise des relations diplomatiques avec Athènes va permettre d’entamer. La Porte proposerait un échange à la Grèce : — Rendez-nous, lui dirait-elle, Chio et Mitylène et nous vous donnerons à la place quelques îles du Dodécanèse, lorsque l’Italie nous les aura restituées. — Personne ne croira que la Grèce acceptera de pareilles conditions, si elle n’y est pas contrainte, et par qui le serait-elle ? Par la Porte ? Ce serait la guerre et nous venons de dire quels obstacles elle rencontrerait. Par les Puissances ? Ce sont elles qui ont décidé que Chio et Mitylène resteraient à la Grèce. Celle-ci est tout à fait en droit de se refuser, sur un pareil sujet, à une négociation directe avec la Porte ; la question a été européanisée, c’est à l’Europe elle-même qu’il appartient de la résoudre. Et elle l’a résolue. Nous disions, il y a quinze jours, que les Puissances de la Triple Alliance avaient mis longtemps à répondre à la note de sir Edward Grey du 13 décembre dernier ; mais enfin elles y ont répondu et elles l’ont fait d’une manière qui serait presque complètement satisfaisante, s’il n’avait pas fallu tenir compte de la situation spéciale de l’Italie dans le Dodécanèse. Pour