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ROCHAMBEAU EN AMÉRIQUE
D’APRÈS DES DOCUMENS INÉDITS

II[1]
YORKTOWN


I

Deux inconnues dominaient le problème : que déciderait de Grasse ? que ferait Clinton ? L’ancien blessé de Johannisberg, le vainqueur de Charleston, sir Henry Clinton, lieutenant général et ancien membre du Parlement, d’excellent renom militaire, s’était enfermé dans New York, qui n’était pas encore la deuxième ville du monde, ni même la première des États-Unis et qui, au lieu de la riche et immense cité d’aujourd’hui dont les vertigineuses constructions étalent sous le ciel, à la nuit tombante, et reflètent dans la rivière leurs damiers lumineux, n’était qu’une agglomération de maisons modestes et de jardinets, n’occupant que le bas de l’île de Manhattan, et n’ayant gardé, à cause de la guerre, que dix mille habitans. Mais solidement fortifiée, avec libre accès à la mer pour une flotte puissante, elle menaçait la route des deux armées et Clinton y disposait d’approvisionnemens considérables et de troupes nombreuses aussi aguerries que les nôtres.

Il est des périodes dans l’histoire des nations où, après une série continue de malheurs, alors que le désespoir semblerait excusable, brusquement le ciel s’éclaircit et tout leur vient à

  1. Voyez la Revue du 15 janvier.