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D’ailleurs, mon cher collègue, maintenant me voici sénateur, vous pouvez être tranquille… »

Ainsi nos églises doivent mourir, parce qu’elles ont deux médecins, l’un au Luxembourg, l’autre au Palais-Bourbon, et que ce serait grande indécence, lèse-majesté, de préférer Landry à Audiffred, Audiffred à Landry ! Quelle comédie !

Cette comédie dure depuis quatre ans. Depuis quatre ans, c’est entendu, à force d’articles, de démarches (et aussi d’admirables générosités que je salue), j’ai pu sauver une par une quelques douzaines d’églises ; mais dans le monde gouvernemental, quel abîme d’indifférence et de lâcheté ! Quand j’essaye de me remémorer mes conversations avec les ministres de tous poils, voici notre dialogue, toujours le même.

J’expose un cas, je raconte que des catholiques voudraient réparer leur église à leurs frais et qu’on le leur interdit, ou bien que la Commission des monumens historiques désire classer une église et que la municipalité propriétaire s’y oppose… Et les ministres de m’interrompre :

— Ah ! mon cher collègue, vous avez plus raison que vous ne pouvez croire ! (Et d’un air écœuré ils me citent une série de cas pareils au mien ou même pires.)

Alors je leur demande d’agir.

— Pardon ! pardon ! La loi est la loi, et nous sommes bien obligés de nous incliner devant elle, tant que vous ne l’aurez pas fait changer.

Et moi de m’écrier :

— Mais la loi présente vous permet d’intervenir ; elle vous donne la faculté de classer par décret une église sans tenir compte de l’opposition du maire, et l’église classée serait apte à recevoir les libéralités de ces fidèles que la municipalité repousse ! De plus, si vos préfets voulaient parler un peu sec à ces vilains sectaires…

Ici Dujardin, Bérard ou Jacquier lèvent les bras au ciel :

— Nous ne pouvons pourtant pas entrer en guerre avec toutes les communes de France !

Ah ! qu’ils sont bas, les ennemis de nos églises ! Devant ces chefs-d’œuvre touchans, ils jouent leur vieux jeu, déploient leurs roueries professionnelles. Ce qui jaillit d’une source pure est toujours une action vive, mais d’un cœur méchant contre des choses de lumière ne peuvent sortir que des noirceurs. Nos