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Samothrace et de Leninos, que l’on considère aussi comme trop rapprochées des Dardanelles pour ne pas appartenir à la Porte. La Grèce conserverait les autres îles, notamment Chio et Mithylène, les plus importantes de toutes. Et le Dodécanèse ? Nous ne mettons pas en doute, connue nous l’avons dit plus haut, que l’Italie ne l’évacue, puisqu’elle s’est engagée à le faire ; mais elle n’y mettra aucune hâte et on assure qu’elle demandera des compensations aux dépenses qu’elle y a faites. Le principe d’une indemnité est acceptable : reste à déterminer quelle en sera la nature, le caractère, et enfin où en prendra-t-on les élémens ? S’il est vrai, comme on l’a prétendu, que l’Italie voudrait, se faire reconnaître une zone d’influence en Asie-Mineure, elle trouvera l’Europe peu disposée à préparer la liquidation de la Turquie d’Asie au moment même où celle de la Turquie d’Europe lui cause de si graves soucis. Mais ces bruits de journaux valent-ils la peine d’être recueillis ? Le plus sage est d’attendre la réponse des Puissances tripliciennes, d’autant plus qu’elle ne saurait plus se faire attendre longtemps.

Les propositions de sir Edward Grey sont sages : il est à croire qu’elles aboutiront à peu près dans les termes où elles ont été faites et, en tout cas, cela est désirable. Mais, pour parler avec autorité dans le monde, l’expérience de tous les siècles jointe à celle de ces derniers temps montre que la première condition est d’être fort. Pourquoi faut-il que l’Angleterre ait en ce moment un ministre comme M. Lloyd George ? Nous ne contestons pas son génie financier ; M. Caillaux le prise très haut et il y a entre les deux hommes assez d’analogies pour qu’ils se comprennent et s’apprécient ; l’Angleterre et la France pourraient en faire l’échange sans qu’il y eût une modification appréciable dans l’une ou dans l’autre, dépendant, — car il faut être juste, — M. Caillaux, s’il a l’habitude fâcheuse d’opérer lui aussi des incursions dans un.domaine qui n’est pas le sien, n’a jamais fait de déclarations aussi inopportunes que celles de M. Lloyd George.

La surprise a été grande lorsque le Daily Chronicle les a publiées. C’est une vieille idée de M. Lloyd George de se mettre d’accord avec l’Allemagne pour la réduction des armemens maritimes. Il est même allé à Berlin pour en parler et n’y a eu aucun succès. Alors il a imaginé d’agir unilatéralement et de désarmer sans se préoccuper de savoir si l’exemple serait suivi. La raison qu’il en donne est que jamais les rapports de l’Angleterre n’ont été meilleurs avec l’Allemagne. Au surplus, dit-il, les nations de l’Europe concentrent actuellement leurs