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des choses. La délimitation de la frontière méridionale de l’Albanie, qui devait, dans la pensée de l’Italie et de l’Autriche, rencontrer des difficultés du côté hellénique, devait, dans la pensée de l’Angleterre, de la France et de la Russie, devenir plus facile si la question des îles était réglée plus libéralement envers la Grèce. Nous ne parlons pas de l’Allemagne : elle aurait bien voulu concilier tout le monde. Alliée de l’Italie et de l’Autriche, elle a des ménagemens à observer à l’égard de la Grèce : il est probable que si son action ne s’est pas manifestée d’une manière ouverte, elle s’est exercée discrètement dans un sens modérateur.

Pour en revenir à la communication de sir Edward Grey, elle porte sur deux points. Les troupes grecques devaient évacuer avant le 31 décembre les territoires épirotes que la délimitation aurait attribués à l’Albanie ; mais on avait fixé cette date sans tenir un compte suffisant des difficultés que la Commission de délimitation rencontrerait dans la poursuite de sa tâche et des retards qui en résulteraient. Ces retards ont été tels qu’on ne pouvait se dispenser de prolonger le délai fixé pour l’évacuation, et c’est la première proposition qu’a faite sir Edward Grey. La seconde est plus importante et d’un ordre plus général : elle s’applique aux îles dont les unes sont occupées par la Grèce et les autres par l’Italie. Les premières, sir Edward Grey émet l’avis que la Grèce doit les conserver, à l’exception d’lmbros et de Tenedos, considérées à tort ou à raison comme commandant l’accès des Dardanelles. Les secondes, celles que l’Italie occupe à titre provisoire et comme gages de l’évacuation complète de la Tripolitaine par les troupes turques, le gouvernement anglais estime qu’elles doivent être dès maintenant évacuées et remises à la Porte. C’est le traité de Lausanne dont nous avons trop souvent parlé pour qu’il y ait lieu d’y revenir. L’opinion du gouvernement anglais est que le gage doit être rendu, puisque la Tripolitaine est évacuée. L’est-elle complètement ? Les journaux italiens le contestent, mais le gouvernement anglais l’affirme. S’il reste en Libye quelques soldats et quelques officiers turcs, la Porte n’en est pas responsable et les a rayés des cadres de son armée. Il s’agit ici d’une question de bonne foi, et celle du gouvernement italien ne saurait être mise en doute : l’heure de l’évacuation des îles a évidemment sonné. Est-ce tout ? Non. Sir Edward Grey a tenu à rappeler le principe qu’il a posé dès le premier moment et toujours maintenu depuis, à savoir qu’aucune île de la Méditerranée ne doit rester entre les mains d’une grande Puissance : si elle y restait, l’équilibre de la Méditerranée serait changé, et c’est ce que le